Depuis plusieurs mois déjà, Lise s’était installée dans son petit studio parisien. Elle s’était habituée à la vie de la capitale, bien que cette routine n’ait rien de palpitant. Entre ses cours de droit qui accaparaient tout son cerveau et son boulot matinal de livreuse de journaux qui exigeait un réveil avant l’aube, elle n’avait pas une minute pour elle. Se divertir ? Faire des amis ? Cela restait un concept théorique.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡUeHdJpiEfv
Chaque matin, elle arpentait les rues endormies de Paris avec sa pile de journaux, devenant experte en l’art de glisser un journal sous une porte sans réveiller tout le quartier. Elle avait même apprivoisé l’escalier grinçant de son immeuble, marchant sur les marches comme une ninja en herbe, avec une précision qui aurait fait rougir un cambrioleur professionnel. Mais malgré ce quotidien bien réglé, personne n’était là pour partager ses petites péripéties de livreuse.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡJmqGjZD80j
Enfin… personne à part Mamie Cathie. Tous les samedis soirs, c’était leur moment. À dix-neuf heures pile, Lise s’installait dans un coin de son studio, son téléphone à la main, impatiente d’entendre la voix familière qui réchauffait son cœur.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡOzf4Em5kXj
— Alors, ma Lise, la grande avocate en herbe, raconte-moi tout ! Tu as déjà plaidé ? Tu as déjà fait pleurer un juge ? lança Cathie dès qu’elle décrocha.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡNalyxJyeff
— Pas vraiment, mamie, répondit Lise en riant. Là, j’essaie juste de ne pas pleurer devant le Code civil. C’est tout un défi !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ3dax9DjXC1
— Ah, le Code civil… Je l’ai lu une fois, tu sais. Enfin, j’ai essayé. Je me suis arrêtée au premier chapitre quand ils ont commencé à parler de trucs latins. Moi, je préfère le français !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡhaSIUN3cSm
— Tu l’as lu ? s’étonna Lise. Mais pourquoi ?
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡfvpmf8U4Aa
— Pour te comprendre, évidemment. Mais laisse-moi te dire, je préfère tes lettres et tes appels. C’est beaucoup plus clair !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡfuTYFOD1Im
Lise éclata de rire, comme toujours avec sa grand-mère. C’était leur rituel : elle racontait tout, des profs qui semblaient vivre pour réciter des articles de loi, aux sandwichs du déjeuner aussi secs que les pages de ses manuels.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ3sweypJnPV
— Et le métro, mamie, tu n’imagines pas ! Je suis plus comprimée que les sardines dans leur boîte. Hier, un type a failli s’endormir sur mon épaule !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ99Vue3d6U2
— Oh, mais si ça se trouve, c’était une déclaration d’amour à la parisienne, plaisanta Cathie. Peut-être qu’il t’a trouvée tellement charmante qu’il n’a pas pu résister !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡVSs9LJdOJ3
— Ou alors, il était juste fatigué… répondit Lise, un sourire dans la voix.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡUtlveQaTVg
Cathie adorait aussi entendre les anecdotes de livreuse de Lise, surtout celle où un chien avait décidé de lui voler un journal.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡYpCTnWBwUo
— Mamie, je te jure, il m’a prise en chasse ! J’ai couru dans tout le quartier, et ce satané chien avait une endurance que je n’ai pas.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡQ5Oj5EY7uf
— Et tu l’as semé ? demanda Cathie, hilare.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡYsiatmQdh9
— Oui, mais pas avant qu’il prenne le journal ! Il l’a trimballé dans sa gueule comme un trophée. Heureusement que le client avait de l’humour…
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡRRo5J2uPrn
— Lise, tu fais du journalisme d’investigation à ta façon. Ce chien voulait juste s’informer, voilà tout !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡfAKXqg9Fak
Entre les rires et les anecdotes, Lise retrouvait un peu de la chaleur de Portiragnes. Cathie lui donnait aussi des nouvelles du village, où tout le monde semblait suivre la vie de « Lise la Parisienne » comme une série télévisée.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡUpsmSBlxnU
— Tu sais, Léon le boulanger dit que tu dois revenir pour lui expliquer les transports en commun. Il est convaincu que ça doit être une épreuve de survie.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡdhmtGLgpim
— Dis-lui que ça l’est ! répondit Lise en riant.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡU3tIxKOY1O
— Et puis il y a la voisine qui se bat encore avec son ficus. Tu te rappelles ? Maintenant, elle dit qu’il est “trop grand pour elle”. Je crois qu’elle veut l’inscrire au lycée.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡcxvJBkQB54
Ces conversations étaient un baume au cœur pour Lise, un rappel que sa petite ville n’était jamais bien loin, même depuis le tumulte de Paris.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ2WYPSzoIlV
Outre Mamie Cathie, Lise avait aussi trouvé une petite famille dans son immeuble. Monsieur Raymond, le gentleman du deuxième étage, avait pris Lise sous son aile.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡsZxJKaIi64
— Mademoiselle Lise, entrez donc, je viens de préparer du thé, annonça-t-il un dimanche matin.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ7MHgYvOzzt
Elle s’assit dans son salon impeccable, où chaque objet semblait avoir une histoire.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ3IdkiAcVNY
— Alors, Monsieur Raymond, quelles aventures aujourd’hui ? demanda Lise.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡzfDpqrrSNd
Il lissa son foulard avec un sourire mystérieux.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡI071smzZUR
— Ah, mademoiselle, vous savez, à votre âge, j’étais un vrai séducteur. Un mélange de Clark Gable et d’un poète maudit, mais avec plus de charme, bien sûr.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡPyLv7hDLZz
— Bien sûr, répondit Lise en hochant la tête avec sérieux.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡATGoYB0cN6
— Une fois, une dame m’a envoyé une lettre parfumée après m’avoir vu danser au bal. Elle m’a appelé “le prince des escaliers” parce que, paraît-il, je descends les marches avec une élégance rare.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ4Id09fGZBR
— Mais bien sûr ! Un titre bien mérité, Monsieur Raymond, plaisanta Lise.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡuFaSdemhBm
Elle ne savait jamais où s’arrêtait la réalité et où commençait l’imaginaire dans ses récits, mais elle adorait l’écouter.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ1jcpEPk1OC
Quant à Madame VanBecker, elle veillait sur Lise comme une marraine un peu excentrique. Un jour, elle apparut devant son studio avec un sachet d’herbes à la main.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡyyQ3hTBPeL
— Tiens, ma petite, pour tes examens. Ces herbes sont parfaites pour booster ta concentration. Et elles chassent les mauvaises énergies.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡzqjiyNDFMq
Lise sourit, touchée.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡOqk1olRje5
— Merci, Madame VanBecker. Je vais les mettre juste là, sur mon bureau.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡv6VRjWMufd
— Bien sûr ! Et si tu veux un nettoyage énergétique de ton studio, tu sais où me trouver. Les mauvaises ondes n’ont aucune chance avec moi !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡuqxmIotLYI
À chaque rencontre, Madame VanBecker lui lançait un regard mystérieux.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡTEjmbXaoeZ
— Alors, ma petite, les étoiles t’ont-elles été favorables cette semaine ?
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ9YOi7etIVT
— Elles brillent toujours, grâce à vous, répondit Lise en riant.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ4J1elIedha
Dans cet immeuble, Lise avait trouvé une sorte de cocon. Certes, elle n’avait pas le temps de sortir ou de faire des rencontres dans tout Paris, mais elle n’était pas seule. Et cela lui suffisait.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡHCwgu553SR
Un samedi soir, alors qu’elle racontait à sa grand-mère sa dernière mésaventure — une chute spectaculaire de journaux en plein couloir de l’université, qui avait interrompu le cours et attiré l’attention de toute la classe —, Cathie éclata de rire.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡoFaJ9x0wov
— Ah, ma Lise, même à Paris, tu restes bien toi-même ! s’amusa-t-elle. Tu sais quoi ? Je parie que tu as même réussi à faire sourire ton prof de droit, ce qui, d’après ce que tu m’as dit, relève du miracle !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡy1yz4WleOX
— Oh non, mamie, je crois qu’il m’a regardée comme si j’avais brûlé le Code civil devant lui, répondit Lise en riant. Mais bon, au moins, j’ai fait rire les autres étudiants… c’est déjà ça, non ?
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡvMrYfl0Kyu
— Bien sûr ! Et surtout, continue comme ça. N’oublie pas, ma chérie : même si les choses sont parfois dures, tu as le droit de te tromper, de tomber, et de recommencer. Paris, c’est grand, mais le monde est à ta portée !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡgqBljfBYGC
Lise sourit en entendant ces mots pleins de sagesse. Quand elle raccrocha ce soir-là, son cœur était plus léger, convaincue que, malgré l’énormité de sa nouvelle vie, elle avait les pieds bien ancrés dans ce qui comptait vraiment.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡFiFRHo2JOG
À peine avait-elle posé son téléphone que celui-ci vibra à nouveau. C’était Chloé. Lise soupira en souriant : bien sûr que son amie ne pouvait pas attendre.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡBtzEVwqciC
— Lise ! Ma Parisienne préférée ! Alors, raconte-moi tout. Est-ce que la ville de l’amour t’a enfin fait rencontrer un beau garçon mystérieux, au moins ? lança Chloé d’un ton faussement dramatique.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ2tcI61yOus
Lise éclata de rire en imaginant ce qu’elle devait se projeter : elle, en robe élégante, déambulant dans Paris, renversant des cœurs et des cafés avec un sourire ravageur.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡM0x7naU4HO
— Oh, absolument, répondit Lise en jouant le jeu. Je vis une romance passionnée avec… le boulanger du coin. Il me sourit poliment tous les matins quand je viens chercher mon pain. Ça devient sérieux. Il y a une vraie connexion entre nous… baguette à baguette, si tu vois ce que je veux dire.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡrWEWk4do3p
Chloé partit dans un fou rire.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡvaRcqcIQvF
— Lise, je te jure, tu es désespérante. Non mais sérieusement ! Tu n’as pas croisé un seul bel étudiant en droit ? Un mec mystérieux avec une écharpe, qui te récite des poèmes sous la pluie ?
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ1MRQuFvu8g
— Ah oui, justement ! Ce matin, j’ai croisé un type “mystérieux” sur le campus… Il marmonnait des trucs incompréhensibles. Très intense.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡxqBaKewmLi
— Sérieux ? Et alors ?! s’exclama Chloé, soudain excitée.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡEv99riPgyw
— Eh bien… après enquête approfondie, il s’est avéré qu’il révisait son cours de droit administratif. Donc ce n’était pas des poèmes, c’était juste des articles de loi. Désolée de briser le charme, répondit Lise en riant.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡBloG3M5tck
— Lise, ce n’est pas possible… soupira Chloé. Mais attends, les soirées ? Les terrasses bondées ? Tu ne vas pas me dire que tu n’as même pas goûté au vin parisien !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ5lIvsS2Aig
Lise rit en s’imaginant fêtarde.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡV7KfoZviup
— Chloé, la seule soirée que je vis en ce moment, c’est en pyjama, avec une tasse de thé et mon Code civil. Si je suis vraiment en mode “déchaînée”, je me fais un bol de céréales.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡFY7hs4QX7b
Chloé explosa de rire, faussement indignée.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ0H0hKqo1Mo
— Non mais attends, Lise, c’est criminel ! Tu es en train de vivre la vie d’une grand-mère… et c’est ma place, ça ! Je vais devoir venir à Paris pour te sauver.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡaYd3wV1ZXo
— Ok, mamie Chloé, fais ce que tu veux, répondit Lise en se moquant gentiment. Mais entre mes cours, mon boulot matinal, et mes trajets en métro, je n’ai pas le temps de faire la fête.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ2Ntb0IUbIo
— Bon, tu me donnes une seule raison valable pour ne pas sortir, et je te laisse tranquille, déclara Chloé avec défi.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡzugZl3xRHI
— Une seule ? Allez, voici : je dois me lever à cinq heures demain matin pour distribuer mes journaux. Et crois-moi, le quartier n’a pas besoin d’une livreuse de journaux avec une gueule de bois.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ7y84z5N1ym
Chloé poussa un long soupir exagéré.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡtmHTsHYjbH
— À ce rythme-là, tu vas finir nonne avant la fin de l’année. Mais je t’avertis, la prochaine fois que je viens, je te traîne en soirée, de gré ou de force !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡisqmvx3IaX
Lise rit, touchée par la persévérance de son amie.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡz5LUwyStBx
— D’accord, d’accord. Mais pour l’instant, la seule chose qui me tient éveillée la nuit, c’est mon cours de droit constitutionnel. Et crois-moi, c’est déjà une sacrée fête.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡhrN7XA0yEM
Chloé s’esclaffa.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡDa3cJYWUtk
— Lise, si tu me dis encore une fois que le Code civil est amusant, je débarque avec une playlist et une bouteille de vin, juste pour te rappeler ce que c’est qu’une vraie soirée.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡGrPHHyOLTP
Lise sourit, amusée mais un peu nostalgique.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡTyPD2gjQXx
— Promis, dès que j’ai une pause, je suis prête pour une vraie soirée. Mais jusque-là, laisse-moi jouer les étudiantes sérieuses. On verra si ça me mène quelque part !
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡwGhfYSQDd9
— Ça marche, mais je te préviens : la prochaine fois, je ne prends pas “droit administratif” comme excuse, répondit Chloé en riant.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡDT70XmXghR
Elles continuèrent à parler, partageant cette insouciance et cette complicité qui rendaient leurs échanges si précieux. Et malgré la distance, Chloé parvenait toujours à ramener un peu de légèreté dans le quotidien de Lise, un rappel que la vie ne se résumait pas qu’à des cours et des obligations.
39Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡyIKX5LmtvE
