- Tu es sûr de préférer aller travailler plutôt que de passer du temps dans nos magasins préférés. Lui demandèrent les amis d’Ariane, visiblement déçues de sa décision.
- Désolée, j'ai du travail à rattraper, mais on se retrouve ce soir habillés en costumes ?
- Tu travailles vraiment trop !
- C’est mon tout premier travail depuis l’obtention de mon diplôme, expliqua l’intéressée conciliante. Alors j’essaie par tous les moyens de faire mes preuves et de me faire accepter.
- C’est ce qu’on voit !
- Vous me connaissez les filles. Je ne veux pas qu’on me respecte en tant que princesse, je souhaite que l’on me reconnaisse pour mes propres efforts.
Le duo soupira.
- Bon, comme tu l’as fait remarqué princesse, on te connait. Alors on te dit à plus tard. N'oublie pas ton masque !
- Parlez pour vous les nunuches, répliqua la belle royale en leur envoyant des baisers tendres du bout des doigts.
***
Le palais d'Aclon était une structure impressionnante perchée sur une grande colline célèbre pour avoir soi-disant été la scène d’une bataille entre un prince maudit et une sorcière d’astre. La nuit enivrante était sans lune et lourde de senteur ensorcelée. L'obscurité profonde mettait en valeur les splendides lumières de l'édifice.
Quand les trois amies arrivèrent, l'immense portail était fermée, et aucun son ne filtrait de l'immense demeure. Un vénérable majordome déguisé en loup de montagne vint bientôt les ouvrir.
Comme attendu, il exigea d'abord leurs invitations avant de les laisser pénétrer dans la grande salle carrelée de marbre blanc et d'or.
- Par ici, mesdames.
Ils montèrent un escalier monumental et arrivèrent dans une vaste pièce.
Les deux amis étaient habillés de longues robes colorées. Leurs cheveux brillants étaient retenus par de longues perles en pierres précieuses scintillantes. Leurs longues capes brodées d'or, d'opale et de bijoux scintillants rayonnaient en harmonie avec la grande et somptueuse chambre ornée de mille taches de lumière sombre.
A leur entrée, le propriétaire s'approcha d'eux de sa belle marche, et les nouveaux venus s'inclinèrent légèrement devant lui.
- Mes jolies dames, laissez-moi vous souhaiter la bienvenue à ma soirée. Je suis le maître de ce palais. Le duc Kelg Aclon.
Le duc était vêtu d'une tenue d'un blanc pur magnifié par un manteau souverain brodé de fils scintillants s’harmonisant avec ses cheveux lunaires. Ariane ne fut pas surprise de voir la teinte bleue des yeux de son noble hôte. Cette couleur royale était la touche parfaite pour mettre en valeur sa blancheur aveuglante. Il était l'image même d'un cygne mâle solitaire et fascinant, amoureux de tout ce qui correspondait à la beauté éblouissante.
Amusée, Ariane répondit pour ses amis.
- Merci, mon seigneur. Nous vous assurons que nous sommes très honorés de faire partie de ceux qui ont été invités à votre fabuleux bal. Et bien sûr, nous ne l’aurions manqué pour un empire.
- Vous me flattez. Et je serais vraiment ravi de vous tenir compagnie et de continuer à parler de votre royale et envoûtante distinction-. Cependant, en raison de mes devoirs de propriétaire, je me dois à tous mes invités. Je vous demande humblement de m’excuser votre altesse.
- Je vous en supplie, mon seigneur. Répliqua Ariane de bonne grâce, ne s’étonnant même pas de savoir que le duc fut au courant de son identité. Il n'y a pas de quoi s'excuser. Nous trouverions certainement de quoi nous amuser à votre soirée, des pièces de théâtre divertissantes ou mieux encore des personnes intéressantes. Alors s'il vous plaît, n’ayez aucune crainte pour nous et allez voir votre autres invités sans remords.
- Une femme de classe rare. Celle qui accepte d'être abandonné en faveur des autres. Ma belle dame, vous devez me réserver une danse.
- J'en serais ravi, mon seigneur.
Après un dernier salut, le duc s'en alla.
Ses amis la félicitèrent pour son habituel rôle d’exception digne de son rang.
- Étonnante, comme toujours, Ariane. Il a été charmé, c'est le moins qu'on puisse dire.
- Mais je ne voudrais pas être l'objet de sa passion ou pire, de sa haine. L'autre amie ajouta traversée de frissons. Ce serait terrible. C'est un être très complexe et vraiment sombre. C'est la raison pour laquelle nous te laissons toujours parler en nos noms, Ariane.
- Je vous remercie ! Oh, vous y allez déjà ? demanda la princesse toute souriante en les voyant s’écarter avec impatience.
- Nous sommes désolés de te laisser seule si tôt Ariane, mais contrairement à toi nous sommes obligées de relâcher nos charmes assez tôt si nous voulons capturer quelques bonnes victimes. Même une seule nous satisferait.
- Je n’en doute pas. Alors je vous souhaite une bonne soirée les nunuches !
- À toi aussi princesse !
Et après un dernier clin d’œil de connivence, ses amis s'éloignèrent et commencèrent rapidement à exercer sur tous les hommes leur outrageuse séduction.
Ariane leva les yeux au ciel tout en secouant la tête en observant la scène que provoquaient ses meilleures amies. Puis quand ces dernières furent complètement englouties par la foule opulente, entrainés par deux nobles étrangers qui elle l’espérait leur apporterait la nuit qu’elles rêvaient tant, Ariane soupira en silence et commença à son tour à regarder son environnement scintillant.
Le plafond élevé soutenu par d'impressionnants piliers et où il y était suspendu un lustre géant qui se diffusait autour de la lumière tamisée, étaient gravés d’histoires légendaires du clan noble d'Aclon.
Comme toutes les femmes présentes, elle portait des rivières de bijoux inestimables. Sa robe était coupée dans un tissu de soie d’un vieil rose brodée de fils d'une finesse extraordinaire, et d’une brillance remarquable. Ses cheveux étaient sertis de minuscules gouttes de cristal rare et maintenus par un diadème brillant. Elle était tout simplement époustouflante. Et la procession des hommes étrangers qui l'invitaient avec force pour une danse ou plus encore, pour témoigner de façon plus intime sa majesté rêveuse, le lui démontrait aisément. Mais aussi, malgré son désir profond, caché derrière son masque et son calme insaisissable, de s'amuser, elle refusa catégoriquement à chacun de ses prétendants ce que ses deux amies leur aurait surement offert sans aucune réticence.
Après seulement une heure, Ariane décida de se reposer un peu. Appuyée gracieusement contre un pilier, elle observait en observateur silencieux la scène lumineuse qui se déroulait devant elle.
Mais bientôt cachée par un groupe excité d'amants occasionnels, elle dut se déplacer un peu pour avoir une meilleure vue.
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