Elle avait beau se sentit un peu coupable, elle reconnaissait qu’elle n'aimerait pas perdre une miette du spectacle qu’offrait la soirée et se dit que c’était une manière comme une autre pour elle de se récompenser pour avoir eu le courage de venir, tout en se sentant seule. Puis fatiguée plus vite que prévu, elle leva les yeux au loin, toujours sans passion. Et ce fut à ce moment précis qu’elle le vit. Et elle était sûre que l’on ne pouvait que le faire. Le voir et être envouté.
Il se tenait, adossé, sur la galerie intérieur, regardant la foule joyeuse avec une expression impénétrable et assez dédaigneuse. Statue obscure et solitaire remplie de sentiments impurs et faisant rage dans les ténèbres. Elle avait l’intime conviction qu’il était tout ce qu'elle ne pourrait jamais comprendre. Toutefois, tout au fond d'elle-même, elle avait compris que c'était à ce moment-là que son destin était fixé. Le plus frappant chez lui n'était pas son sublime déguisement noir, ni son imposante stature, non c’était plutôt son aura. Une aura mystérieuse et puissante planant tout autour de lui et qui vous coupait littéralement le souffle. Et c'est ce qu'Ariane a ressenti au moment même où elle posa les yeux sur lui, et cela même s'il se trouvait aussi loin d'elle.
Alors avec un naturel terrifiant, il tourna la tête vers la princesse et sourit d'un air moqueur à sa stupéfaction. Elle s'enflamma d'une rage passionnée. Mais un autre sentiment l'emporta sur les autres. Une excitation grandissante qui ravagea tout son corps.
Elle avait le désir de caresser ses cheveux si noirs, plus noirs que l'ébène, comme le reste de ses habits somptueux. Même le fil étincelant brodé sur son manteau impérial était d’un noir de nuit. Mais contrairement à son obscurité, sa peau était beaucoup d’une blancheur si saisissant, presque maladif, qu’on aurait pensé avoir été depuis abandonné du soleil. Tout son être était un monde de blanc et de noir seulement illuminé par les profondeurs de ses yeux d'or, fascinant et appelant aux plaisirs les plus profonds. Plaisir qu’Ariane savait ne devoir jamais refusé, tout simplement parce que c’était lui.
Ariane fut si troublée par l’être et par cette certitude qu'elle détacha un instant ses yeux de l’objet de sa passion et essaya de reprendre son souffle. Mais quand elle regarda à nouveau dans sa direction, l’étrange inconnu disparut.
Cette disparition choqua tant la princesse qu’elle perdit un instant la notion du temps et faillit hurler de douleur. Mais ce sentiment de perte irréparable ne devait pas durer longtemps, car une voix qu’elle n’a jamais entendue et qu’elle n’oubliera jamais, chuchota dans ses oreilles délicates.
- Princesse, danse avec moi.
Bien qu'elle n’ait pas à se retourner pour savoir qui se trouvait exactement derrière elle, elle le fit tout de même et le regarda.
Il était grand comme elle l'avait déjà deviné. Plus que grand même. Immense. Mais son corps fut doté de la perfection. Et sans que cela l’ait étonné, elle ne put tout de même pas s’empêcher de sourire à cette constatation.
- Et si je refuse ? demanda Ariane avec audace.
L’inconnu rit doucement, lisant parfaitement en Ariane.
- Alors ce ne serait qu'une perte de temps. Car pour cette nuit, un refus ne sera jamais une option. Surtout s’il s’agit de nous.
La princesse émit un faux rire innocent.
- Oh, si confiant. Si arrogant. Mais je devine facilement que vous avez déjà commi beaucoup d'erreurs à cause de ces défauts.
- Plus que vous ne pourrez jamais l'imaginer. Et c’est sans regret. Mais je suis sûr que c’est justement ce qui fera tout basculer ce soir.
Puis l’inconnu tendit sa main, sachant la vérité, et Ariane y posa la sienne. Elle lui sourit timidement et se laissa guider gracieusement vers la piste de danse.
« Sa main est mince mais si forte. » Pensa Ariane subjuguée. Une main magnifique qui sera capable de la briser. Et son parfum masculin si étrange et exaltant enchantait son âme. C'était un partenaire à l’image parfait et ses manières étaient nobles.
Mais la jeune femme devina aisément que tout cela n’était qu’illusion. Que derrière ce masque si parfait et parfaitement produit, se cachait un être complexe et terrible. D’ailleurs une chose l’attestait, Son corps. Un corps d’une froideur effroyable. Si froid qu'Ariane ne put s'empêcher de frissonner.
Alors l’inconnu se pencha légèrement et écarta furtivement le collier d'Ariane pour dégager son cou blanc. Il embrassa la peau douce. Ariane aima son baiser, mais elle sentit ce toucher comme une brûlure qui la blessa étrangement. Elle ne cria pas de douleur mais se tendit en mordant ses lèvres presqu’au sang.
- Pourquoi se raidir autant ? Tu n'as pas à avoir peur, mes baisers ne sont pas des malédictions.
- Mais ils font plus mal.
- C'est peut-être vrai. Mais quelle importance.
L’inconnu guarda un court instant le silence.
- Tu es belle, tellement belle. Ta beauté brille à travers ton masque. Cependant, son éclat est encore endormi.
- Quelle suffisance ! Répondit suavement Ariane. Vous croyez déjà savoir ce que je suis, toutes mes pensées.
- Oui.
Sa réponse simple et directe choqua profondément la jeune femme.
- Je suis conscient de mes propres lacunes et faiblesses. Mais ce n'est sûrement rien comparé à votre propre contradiction.
- Oh ! Vraiment ? S’enquit l’etranger, amusé. Explique-moi ça s'il te plaît.
- Eh bien, pour commencer votre corps est plus froid que les glaces astrales. Il m'a blessé ‘a m’en geler alors que votre baiser lui, m'a brûlé comme une flèche solaire.
Il resserra son étreinte
- Maintenant, c'est toi qui suppose deviner ce que je suis à notre première rencontre. Mais ça n'a pas d'importance. Car le feu et la glace font eux aussi partis du plaisir. Et nous sommes ici ce soir pour cela.
- J'admets cette vérité. Je suis aussi ici pour m'amuser. Et vous êtes un étranger, dont j'ignore même jusqu’au nom. Un étranger froid et incompréhensible. Mais quand même, je sais que tu vous m’aviez embrassé pour arrêter mes frissons.
Une onde intense jaillit de lui. Étonnée, la princesse Ariane leva les yeux vers lui et rencontra son regard envoûtant. Elle se sentit sombrer inéluctablement dans un monde sans fond.
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