Dans la forêt,
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Yu se réveille. Ses sens s’éveillent au contact d’un mélange de fragrances qui se bousculent : la sève, les plantes environnantes, certains arbres odorants et la terre humide et fraîche. Les poils et les pores de sa peau se contractent au contact de l’air frais et moite sous les filicophytes. Les pupilles de ses doux yeux de biche se contractent et décontractent en analysant toutes ces informations.
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Elle ne comprend pas très bien ce qu’il s’est passé. Perdue. La petite Naterelli se relève lentement. Elle prend appui avec ses mains sur le sol. La terre humide, pâteuse, un peu comme de la boue durcie, épouse la forme de chacun de ses doigts et de ses paumes. À mesure que sa tête dépasse les plus hautes fougères, Yu réalise que le jour tombe. La forêt, déjà sombre par sa densité, s'obscurcit. Les derniers rayons de soleil peinent à percer la frondaison imposante de celle-ci.
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Yu s'aperçoit d’une sensation étrange sur ses mains et son visage. Des picotements qui donnent une envie effroyable de se gratter. Elle qui avait échappé jusque-là aux plantes urticantes, n’a pu les éviter dans de telles circonstances. Mais il y a plus urgent.
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Elle regarde à droite puis à gauche. Rien. Ou plutôt, personne. La température baisse et la jeune enfant se crispe de plus en plus. Les cris des oiseaux jusque là assez présents, s’effacent petit à petit. Ils laissent place aux hululements des hiboux, le bourdonnement des insectes nocturnes, les gouttelettes qui perlent sur les feuilles pour s’écraser sur le sol. De nombreux petits et doux sons qui, ensemble, peuvent créer une atmosphère angoissante.
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Yu se met tout de même à marcher tant bien que mal en direction de . . . “Par où est la ville ?”. Pas moyen de se repérer dans une telle obscurité. L'inquiétude monte. Le froid aussi. L’enfant se courbe, les bras croisés, elle prend une direction au hasard. Ses vêtements humides ne contiennent plus la chaleur corporelle. Les manches de son gilet rouge et l'avant de son pantalon, en lin de couleur crème, sont même mouillées. Le froid pénètre les tissus.
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Des bruits de pas approchent à travers le bosquet de fougères. Yu se halte. Elle n’a pas de souvenirs de sa vie avant d’être arrivée chez les Naterelli. Alors elle ne se souvient pas qu’elle a été trouvée au beau milieu d’animaux, tous différents les uns que les autres. Ni comment elle avait fini comme cela. Elle le sait seulement parce que Léo lui a raconté maintes et maintes fois le jour de leur rencontre. Ses pieds, dans des chaussures recouvertes de boue, ne bouge plus d’un millimètre. Ses jambes tremblent au rythme du froid qui la tiraille et de la peur qui s’empare d’elle.
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Elle croise soudain les yeux d’un animal aussi grand qu’elle. Elle ne cerne pas bien la silhouette qui la regarde. Malgré cela un sentiment de soulagement prend place. “Serait-ce un herbivore ?” se demande Yu en examinant la bête. Elle est grande pour la jeune enfant, mais assez petite pour un adulte. Toutefois, sa carrure est mince. Malheureusement, elle n’a pas le temps de l’examiner plus longtemps. Un bruit de craquement de branche retentit, le supposé herbivore tourne la tête puis se sauve. Yu ne souhaite pas rester sur place indéfiniment non plus. Elle reprend alors sa marche.
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La fatigue s’installe au rythme de ses pas. Un mal de tête soudain la foudroie. “Oh non, pas ça !” s’inquiète Yu. Comme une réponse instinctive à cette douleur lancinante, un voile d’humidité se forme au ras de ses cils. Ces gouttelettes translucides, néanmoins salées, perlent et se mettent à tomber jusqu’à ruisseler le long de ses joues. La température de son corps se met à monter à grande allure. Le vert de ses iris se couvre d’une lueur ambrée et dorée de plus en plus présente. Une énergie vibrante d’ardeur, visible à l'œil nue, de la même couleur, apparaît petit à petit. Semblable à une aura émanant d’elle comme s’évadant d’une fournaise et qui se met à onduler en douce spirale autour d’elle.
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En l’absence de sa famille, elle ne sait comment gérer cette situation. La chaleur qui s’empare de son corps et qui parcourt sa peau, telle les piqûres d’un million de fourmis de feu, devient insoutenable. Sa conscience laisse alors de plus en plus place à l’instinct. Sa vision devient trouble, presque floue. Elle oublie instantanément chaque pas qu’elle fait. Un bruit sourd avec des acouphènes s'installe dans ses oreilles. Il n’y a plus de sens du toucher, tout n’est que chaleur. À l’inverse, son sens olfactif est démultiplié. L’odeur de la sève, de chaque plante, de chaque changement de la composition du sol, elle peut tout sentir, tout identifier et même évaluer leur distance. Elle se dirige donc vers la montagne, guidée par son instinct, en quête de fraîcheur pour l’apaiser.
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Ses vêtements alors mouillés sont devenus secs après quelques pas seulement. Étonnement ils ne brûlent pas. La chaleur continue de monter malgré tout. La conscience de Yu ayant laissé place à l’instinct, elle ne ressent plus autant la douleur et la sensation de feu qui la ronge.
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Soudain. Une odeur de frais. À l’inspiration de très fines particules d’eau glacée vient lui titiller les pilus de ses naseaux. Ni une, ni deux, elle multiplie ses pas avec une détermination féroce. Le regard, plongé sous les fluides lacrymaux, se durcit et montre une volonté à toute épreuve. Plus aucune information ne passe. Ni même les informations olfactives autres que cette fraîcheur. Comme un gladiateur entrant dans une arène, l’esprit inébranlable de lutte pour sa survie. Elle avance et n’est plus qu’à quelques mètres de la montagne.
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Yu ralentit en arrivant au pied de l’éminente formation rocheuse. Elle avance la tête comme pour mieux relever les odeurs et leur données. Guidée par celles-ci, elle se déplace le long du mur de roche. Elle ralentit encore davantage à mesure que le froid s’intensifie. Telle une lumière ou une torche naturelle due à cette énergie qui émane d’elle, elle éclaire son chemin radieusement. Ce qui aide également son instinct à découvrir une fine ouverture à travers la pierre. Elle se faufile, non sans mal, à l'intérieur en palpant les parois humides et glaciales.
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Une fois à l’intérieur, elle arrive dans une sorte d’antichambre. L’énergie flamboyante et brûlante de la jeune enfant se répercute contre les murs et la voûte rocheuse de celle-ci. En face d’elle se trouve comme un couloir éteint, sans aucune source de lumière. Par instinct, elle s’y dirige et l’emprunte avec précaution. L’humidité contenue dans la pierre essaie de lutter contre l’étrange chaleur de Yu, mais elle finit par s’assécher à son contact. Le long des paroies, les insectes troglobies se cachent et/ou s'enfuient à l'arrivée de la lumière, on pourrait presque entendre leur petits bruits. Mais la jeune fille n’entend qu’un bourdonnement accompagné d’un fin sifflement depuis la forêt. Elle n’ouïe même le son de la semelle de ses chaussures qui se posent sur le sol à chaque pas.
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Il suffit de quelques foulées pour que les fines particules qui entrent dans les narines de Yu ne se fassent plus grandes. La jeune fille se hâte, elle n’en peut plus et est à bout. Après un instant qui semble interminable, elle arrive dans une immense cavité qui se trouverait bien au cœur de la montagne. Arrivée à l’endroit le plus froid, son instinct se retire pour laisser de nouveau place à sa conscience.
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Bien qu’exténuée, Yu tente de savoir où elle est. Elle examine les alentours et la lumière produite par son étrange maladie l’aide à y voir plus clair. De la glace. Partout. Le sol sur lequel elle s’est arrêté lui envoie même son reflet presque parfait. L’enfant avance vers un immense rocher de glace d’une transparence cristalline. Elle y pose sa main, sans réelle arrière pensée ou idée. “De la. . . magie ?!” s’étonne Yu. Effectivement, une quantité d’énergie phénoménale semble résider dans cet élément glacial. C’est peut-être même de la glace créée par magie. La jeune Naterelli entraperçoit une forme dans le bloc de glace. Malheureusement, après toute cette aventure et sa maladie, Yu s’écroule de fatigue. Pourtant la spirale de chaleur continue d’émaner d’elle.
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Le lendemain au lever du jour :
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- Yu. . . ! Yu, tu es. . . Yu ! s’écrie Léo.
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Léo accourt vers l’enfant endormie. Le teint pourpre, des gouttes de sueur plein le front et manifestant une inquiétude très marquée. Il évalue son état avec le peu de lumière qu’il a. Une plante à trois feuilles, aux caractéristiques phosphorescentes turquoise, plantée dans un terrarium muni d’une poignée. Elle ne semble pas blessée, rien sur le visage, ni les mains. Il pose sa source de lumière par terre en se baissant de manière un peu précipitée. Le son du verre se posant sur la roche humide fait écho et rebondit sur la voûte de la grotte. Accompagné de gouttes d’eau qui ruissellent et tombent. Mais Léo ne s’en préoccupe pas.
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Il saisit avec précaution et douceur un des poignets de Yu pour la tourner vers lui. Il passe un bras sous le haut de son dos et l‘autre sous les genoux. Il saisit la lampe avec sa main la plus proche du sol. Il se relève en faisant travailler tous les muscles de son corps. Sans se poser de questions, il repart. L’air toujours aussi inquiet inscrit sur son visage.
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Il passe sans trop d’effort le couloir et l’antichambre que Yu avait emprunté la veille mais se retrouve bloqué face à la brèche trop étroite pour deux. Il n’a pas le choix. Il doit trouver une solution ou laisser la jeune fille sur place le temps d’aller chercher de l’aide.
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L’idée de laisser Yu seule encore ne serait-ce qu’un instant lui fait grincer des dents.
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- Hors de question ! pense-t-il à haute voix, le regard soudainement motivé.
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Il pose sa jeune sœur le plus délicatement possible. Il retire son blouson et le met sommairement en boule et le cale sous la tête de Yu. Il lui sourit tendrement, le regard emplit d’émotions contradictoires. Il se lève et fait volte-face. Il s’avance et regarde la brèche d’un regard féroce. Un peu comme regarder son pire ennemi dans les yeux. Puis, il ferme les paupières. Il inspire profondément, si bien qu’on peut entendre le flux d’air entrer par son nez. Et recrache tout l’air de ses poumons dans un souffle lent et fluide.
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Il ouvre de nouveau les yeux d’un profond violet. Il y règne désormais un calme qui nous ferait oublier que l’on respire. Il adopte une position qui annonce un mouvement aussi net et rapide que puissant. Il canalise son énergie en fixant un bout de roche dépassant vers l’intérieur de l’ouverture. Puis, le poing fermé, il frappe ! De ce bout, il ne reste que le bruit de la pierre qui tombe au sol en morceaux.
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Pas le temps de se réjouir, il réitère le même mouvement pour élargir le passage. Ce n’est qu’une fois arrivé au bout qu’il s’arrête. Il revient vers la jeune enfant en dégageant le passage des morceaux trop encombrant. Il ne laisse rien le distraire, ni la douleur, ni la beauté de la forêt ensoleillée. Il reprend Yu dans les bras et rentre à la demeure de la famille.
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Trois jours plus tard, Yu se réveille enfin. Les yeux encore fermés, elle palpe le support sur lequel elle est allongée. Elle remarque aussitôt la douceur des draps qu’elle reconnaît si bien. Elle hume l’air pour s’assurer qu’elle ne se trompe pas. Le doux parfum des fleurs disposées le long de la fenêtre et l’odeur corsée du bois de son plafond. C’est cela. “Ma chambre.” pense-t-elle en esquissant un léger sourire.
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- Yu ! s’exclame Léo en se penchant sur le lit.
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- Doucement, lui dit Angeline. Leur mère.
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- Oups, pardon Yu, s’excuse Léo gêné de sa maladresse.
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Angeline Naterelli lui sourit. Son visage est d’une douceur presque interdite. Sa longue chevelure blonde ondulée, aux reflets que seul le scintillement des étoiles peuvent égaler, repose tout le long de son dos délicat. Elle se place avec sa grande taille à côté de la fenêtre. L’éclat du jour éclaire ses yeux d’un gris clair aux notes violacées. Elle regarde en direction de Yu en essayant de dissimuler son impatience et son inquiétude. Ce qu’elle trahit par la goutte salée qui se forme au coin de son œil.
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Yu essaie d’ouvrir les yeux. Cependant, la lumière du jour ensoleillé lui brûle aussitôt la rétine. Tout se traduit, dans un silence, par la grimace qui se forme sur son petit minoi. C’est alors que sa maman adoptive lit les traits sur son visage et tire les rideaux. Les rideaux, d’une couleur chocolat au ton caramel et d’un très fin tissu, filtrent les rayons du soleil.
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La jeune Naterelli tente une seconde fois. Le vert de ses yeux aux touches dorées fait s’illuminer le visage de ses deux visiteurs. Son premier réflexe n’est pas de savoir comment elle est rentrée, mais plutôt ce qu’il s’est passé après s’être retrouvée seule dans la forêt.
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- Yu ! lâche Léo, ne pouvant se retenir.
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Angeline le regarde un peu mécontente mais sourit aussitôt. La joie que leur petite protégée se réveille enfin est trop grande pour être contenue. L’adolescent regarde sa mère d’un air désolé et se tourne de nouveau vers sa jeune sœur.
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- Yu ! Tu es enfin réveillée ! Comment ça va ? Tu as mal quelque part ? Tu veux quelque chose ? De l’eau ? bombarde-t-il de questions sous l’excitation.
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- Léo, comment veux-tu que Yu puisse répondre à toutes tes questions à la fois ? lui demande sa maman d’une voix douce. Le sourire toujours inscrit sur son visage à la peau douce est d’une blancheur éclatante.
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- Pardon Yu. Commence son grand frère. Il se déplace pour aller à ses côtés : Je m’inquiétais, si tu savais. Mais maintenant que tu es réveillée, tout ira mieux, pas vrai ?
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Avant qu’elle ne réponde, la jeune enfant remarque les bandes sur les mains de son grand-frère. L’inquiétude se forme alors sur son visage. Ses sourcils se froncent et ses yeux s’humidifient.
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Léo la suit du regard et se redresse immédiatement en cachant ses mains derrière le dos.
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- Ce n’est rien. Je me suis légèrement égratigné. Demain il n’y aura plus rien, dit-il, la goutte de sueur se formant sur son front de menteur.
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- Tu mens grand-frère. Tu ne sais pas mentir, dit-elle avant de tousser la gorge sèche.
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Yu regarde sa maman adoptive, les yeux évacuant la brume d’émotions vives dans les coins.
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- Ce n’est rien Yu, ton frère n’a pas totalement menti. Demain il n’y aura presque plus rien. Je vais demander à Rhita de vous monter le petit déjeuner. En attendant ma petite Yu, ne parle pas trop, d’accord ? annonce Angeline, la tendresse au bout des lèvres, avant de sortir de la chambre.
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Yu acquiesce en un petit mouvement de tête. Elle et son frère se regardent ensuite dans les yeux et se prennent l’un l’autre dans les bras.
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Soudain, un battement de cœur puissant frappe la cage thoracique de Yu ! Un pressentiment violent se fait ressentir dans toutes les cellules de son corps. Malheureusement Yu, n’a jamais vécu cela et ne sait donc pas à quoi cela fait référence. Une chose est sûre, quelque chose s’est passé la nuit de son aventure en forêt.
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Elle ne pouvait pas avoir plus raison. Elle ne le sait pas encore, mais sa maladie a causé la fonte d’une bonne partie de la glace. En conséquence, sur la forme irrégulière aperçue, deux yeux se distinguent. Ils arborent un bleu océan profond aux nuances plus claires, éclairé d’une lueur bleue pâle à en faire frémir plus d’un.
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