En quelques semaines, j’ai beaucoup progressé. Tous les matins, je m’entraîne aux arts martiaux et au combat à mains armées et l’après-midi, je travaille sur la précision de mes tirs. Et bien évidemment, entre deux, je fais d’autres activité tel que la cuisine ou le ménage. Les jours où les jumeaux ou Ruben partent en mission, je continue de m’entraîner toute seule pour ne pas perdre la main. Je me suis également beaucoup rapproché de la quasi-totalité de l’équipe des Buglosses ce qui rend les journées plus agréables. Comme eux, j’ai fini par abandonnée les formules de politesse et par les appeler par leurs prénoms ce qui est bien plus simple étant donné que je vais rester ici encore quelque temps. Je n’ai toujours pas trouvé un nouveau travail ou un logement donc pour le moment, M. Navarro m’autorise à rester au manoir.
Nous avons fini de dîner quand M. Navarro explique le prochain voyage qu’ils feront. Comme d’habitude, il explique le but de leur nouvelle tâche et les rôles de chacun. C’est la première fois que je les vois tous partir, surtout pendant plusieurs jours. Avec Elric, nous resterons ici. Je me demande pourquoi il ne prend jamais part aux missions. La prononciation de mon prénom me sort de ma réflexion. Je relève la tête vers M. Navarro pour savoir ce qu’il a à me dire.
-Quant à vous, Mlle Gauthier, vous pourrez profiter que le manoir soit vide pour nettoyer chaque pièce.
-Dois-je vous rappeler que je ne suis pas votre femme de ménage M. Navarro ?
-Certes, mais il faut bien trouver quelque chose pour vous occuper. Rétorque-t-il avec son sourire arrogant.
J’ai l’habitude de nettoyer les grandes pièces du manoir pour aider Wilfried, mais je ne voudrais pas que M. Navarro pense que je suis sa bonne. Évidemment, je ferais la tâche qu’il m’a confiée, mais c’est simplement parce qu’il m’offre un toit et le couvert. Même si, de base, il me laisse rester ici gratuitement pour s’excuser de m’avoir délaissé. Mais comme je ne veux pas lui être redevable plus tard autant lui rendre service maintenant. Ça m’évitera sûrement de me retrouver à nouveaux coincé dans un sous-sol.
Quand je me suis levée ce matin, la maison était silencieuse et vide ce qui prouve qu’ils sont partis très tôt. Je vais donc faire ce que m’a suggéré mon hôte et je me munis du balai, d’un chiffon et d’un seau. Je suis déterminée à me débarrasser de cette tâche au plus vite. Je commence par le bas. J’astique les meubles, dépoussière les tableaux, remets en ordre ce qui traîne, lave le sol a grand coup de serpillière. En un peu plus d’une heure, j’ai fait les deux plus grandes salles du manoir, mais également les plus vides. Ce sont les pièces moins vaste et plus remplis qui prendront le plus de temps.
Une fois les salles de bains, les chambres et la cuisine lustrées, je m’attaque au bureau de M. Navarro. Je ralentis un peu le rythme, prenant le temps d’observer l’environnement dans lequel il travaille plusieurs heures par jours. C’est un lieu agréable et bien éclairé. Les deux murs perpendiculaires au couloir sont de grandes étagères. Dessus, il y a énormément de livres et quelques bibelots tels qu’une boule à neige ou un jeu d’échec. Je ne pensais pas qu’un homme aussi occupé que lui avait le temps de se divertir. Lui qui est soit en train de trier des papiers, soit sur le terrain pour répondre à la demande d’un nouveau client. Je m’approche de son bureau et vois plein de papiers reposé en amont. Connaissant le chef des Bugloss, ce ne doit rien être d’important. Je retire tout ce qu’il y a sur le bureau pour pouvoir le dépoussiérer puis je fais de même avec les étagères. Je retire tout ce qui repose dessus, excepté les livres, passe le morceau de tissus sur le bois avant de tout remettre à sa place et je répète ces trois actions en continuent jusqu’à avoir fini les étagères du mur droit. Je commence à avoir chaud et m’accorde un instant pour souffler. Je me permets de m’asseoir sur la chaise du patron. J’essaye d’imaginer ce qu’il peut bien faire là à longueur de journée et je me mets même à l’imiter. Un rire que je ne m’attendais pas à entendre me fige. Je regarde la personne se tenant sur le pas de la porte et remarque qu’Elric se moque de moi.
-Je suis désolé de vous arrêter dans votre activité, mais je voulais vous prévenir qu’il faudrait manger. Dit-il les larmes aux yeux à force de rire.
Je rougis violemment. Je me sens honteuse et ne réussis pas à le regarder dans les yeux. Mais son rire devient vite contagieux et il m’entraîne avec lui. Quand nous sommes calmés, nous nous rendons jusqu’à la salle a mangé. Sur la table, il y a du pain, du fromage et de la charcuterie.
-Désolé de ne pas avoir fait quelque chose de mieux, mais je n’y connais absolument rien en cuisine.
-Vous auriez dû me le dire, j’aurais préparé quelque chose.
-Peut-être, mais ça n’aurait pas valu votre superbe imitation d’Al.
-Je vous en prie, évitons de remettre ça sur le tapis. Dit-je en rigolant légèrement.
Une fois la vaisselle finie, Elric me demande si je suis d’accord pour venir l’aider. Comme il n’y a pas Oscar, il se retrouve embêté. Je lui dis qu’il n’y a aucun problème et nous nous rendons dans ce qu’ils appellent tous « le labo d’Elric ». Je finirais le ménage dont je commençais à me lasser plus tard. Le labo est un grand cabanon en bois situé tout au fond du jardin. Quand j’entre, j’ouvre grand les yeux. C’est un véritable chantier. Il y a des outils et de drôle de pièce qui traîne un peu partout. Les murs sont couverts de plans de ses différentes inventions. Il y a deux grandes tables qui longent le mur de gauche et une autre au milieu de la pièce. Ce doit être celle-ci la mieux ranger. Dessus, il y a un petit train en bois ainsi que tout un circuit sur lequel il peut se déplacer. Je ne pensais pas trouver quelque chose de si enfantin et je n’aurais pas cru qu’Elric aimait ce genre de jouet. Je m’approche des étagères et des tables pour mieux observer les différentes créations d’Elric. Certaines sont très jolies et d’autres sont plus mystérieuses. Toutes ces petites choses, ajoutées aux rayons du soleil qui donne une couleur dorée au cabanon, rendent l’endroit presque féerique. On pourrait se croire dans un livre pour enfant.
-L’endroit à l’air de vous plaire. Ricane Elric amusé de ma curiosité.
-Oui, c’est un lieu charmant.
Il sourit et me fait signe d’approcher de la table où il se tient. Il me demande de faire tourner doucement une manivelle pour qu’il puisse s’occuper de ce qu’il se passe à l’intérieur de la petite machine. De ce que j’ai compris, celle-ci a cassé lors d’une précédente mission. Je profite du moment pour entamer une conversation. Nous n’avons jamais beaucoup parlé tous les deux ou uniquement pour des banalités. Je suis intrigué par beaucoup de choses à leur sujet et Elric répondra sûrement à mes questions.
-Al et moi ? On se connaît depuis qu’on est enfant. Répondit-il en souriant. Et depuis je ne l’ai plus lâché. Surtout quand il s’est lancé dans tout ça. On avait que dix-sept ans et je dois avouer que ses idées me faisaient un peu peur.
-Je vois. Je ne pensais pas que vous étiez amis depuis si longtemps.
-Parce qu’il n’a pas l’air amicale ? Je comprends. C’est vrai qu’il est devenu beaucoup plus froid et distant ces dernières années. Mais quand on était petits, il n’était pas du tout comme ça. Je suis le seul ici à avoir eu la chance de connaître l’Al souriant et joyeux qui, s’il avait pu, aurait passé ses journées à s’amuser. Déclare-t-il fièrement. Je pense que c’est surtout depuis qu’il s’est engagé à rendre des services pareils qu’il a changés.
C’est vrai que je n’imaginais pas M. Navarro pouvoir sourire ou s’amuser. Je le voyais plus comme étant un enfant sociabilisant avec les gamins de sa classe sociale et qui passer ses journées à perfectionner son travail. Je suis positivement surprise. Il n’est peut-être pas un cas complétement perdu et peut-être qu’un jour, j’aurais aussi la chance de connaître un Aléandre Navarro agréable et aimable qui saura s’excuser convenablement.
-Mais vous ne souhaiteriez pas exercer un autre métier ? Vous avez l’air d’être passionné par plein de choses et vous devez également avoir les capacités pour faire ce que vous souhaitez. Alors pourquoi rester ici ? Surtout que vous n’êtes jamais convié sur le terrain.
-C’est vrai qu’il fut un temps où je voulais travailler avec mon père, mais on s’est disputé après que j’aie suivi Aléandre. Je comprends pourquoi il était en colère. Ce qu’on fait est dangereux après tout. Mais je ne pouvais pas laisser Al seul. Au début, nous n’étions que deux. On s’occupait de vol minime, on jouait les gardes du corps et d’autres petites affaires comme ça. Puis il y a eu des demandes plus dures avec des sommes plus conséquentes. Au départ, il ne voulait pas. Jusqu’au jour où il a reçu une lettre d’un simple commerçant qu’il connaissait. Sa fille s’était fait tuer quelques jours plus tôt sans aucune raison. Il n’avait pas beaucoup d’argent, mais il était prêt à tout pour venger sa fille. Aléandre a accepté la requête, à mon plus grand désespoir. Il est parti le lendemain matin et est revenu pour le repas du midi. Il n’avait eu aucun scrupule à tuer un homme. Quand je lui ai demandé comment il se sentait, il m’a dit qu’il ne regrettait en rien ce qu’il avait fait.
-Comment a-t-il pu tirer de sang-froid ? N’importe qui hésiterait.
-Il voulait rendre justice à la jeune fille et sa famille. Depuis, il prend n’importe quelle requête tant que ça rapporte même si en général, il favorise celles qui ont une « bonne » raison, mais je trouve qu’il a perdu ses valeurs au fil du temps. Comme il le dit : « Si j’ai réussi une fois, je ne vois pas pourquoi je n’y arriverais pas une seconde fois ».
Je reste silencieuse. Tuer sans aucun remord ? Impossible. Ce serait vraiment monstrueux de ne pas ressentir, ne serait-ce qu’un pincement au cœur après un tel acte.
-Je pense vous avoir mis mal à l’aise. Excusez-moi.
-Non, ce n’est rien. C’est juste que je ne croyais pas une telle idéologie possible. Tuer sans avoir le moindre remords.
-Il n’a pas apprécié ce qu’il a fait et c’est là que pour l’épauler dans sa tâche, il a engagé un ancien militaire rencontré dans un bar. L’homme en question n’avait plus rien et ne ressentait plus grand-chose non plus. C’est comme ça que Ruben, c’est joint à nous. Il a vu la mort tant de fois qu’il ne s’en préoccupe plus.
-Et les jumeaux ?
-Ils sont arrivés l’année d’après. Je ne sais plus vraiment pourquoi Al les a engagés, mais ils ont une rage constante qui brûle en eux. C’est ça qui les fait tenir face au bain de sang. Mais ce n’est pas pour autant que ces trois hommes ne s’en veulent pas un peu d’ôter la vie à des inconnus. La plupart du temps, ils sont obligés où ce sont eux que l’on aurait enterrés.
-Et vous ?
-Ne vous en fait pas. Je n’ai jamais tué personne. Au départ, je participais aux missions, mais quand les autres sont arrivés, Al m’a demandé de me retirer. Il dit que c’est parce qu’il n’a plus besoin de moi, mais en réalité, il s’inquiète juste pour moi. Ris Elric. Du coup, je les aide depuis le manoir. Je m’occupe des réparations diverses et j’essaie toujours de leur faciliter les tâches. Mais je préférerais aller sur le terrain. Je ne me sens pas très utile ici. Bien qu’ils affirment le contraire.
Sans nous en rendre compte, plusieurs heures sont passées. Nous avons vite changé de sujet et je lui ai posé plein de questions sur ces différents travaux et il s’est fait une joie d’y répondre. Puis, un messager est arrivé et nous a rappelés que la fin de la journée arrivait. Elric discute avec lui en ce moment même et je me demande ce qu’ils peuvent bien se dire. Elric revient ensuite vers moi pour m’expliquer :
-Ils ne reviendront pas ce soir. Ils ont un contre-temps, mais ils pensent pouvoir revenir demain en fin d'après-midi.
-Ils n'ont pas de problème ?
-Non ne vous en faites pas, ce n'est pas la première fois qu'ils reviennent en retard. Dites-vous toujours qu'un plan ne se passe jamais comme prévu.
J'opine du chef puis le laisse pour terminer le ménage et pouvoir aller manger par la suite.
Le lendemain, je vais au marché afin de nous préparer un repas plus convenable que les deux derniers. Cela faisait un moment que je n’y étais pas allé. J’aime me balader entre les étalages et regarder les produits. N’étant pas pressé, je prends tout mon temps et fais mes achats pour les prochains jours. Les marchands que je côtoie habituellement me demandent comment je vais puisqu’il ne me voyait plus. Je prends le temps de discuter un peu avec eux. Ça fait du bien de revoir des connaissances.
De retour au manoir, je me mets derrière les fourneaux et prépare un repas simple, mais qui changera. Je casse mes œufs, cuis mes légumes et la bonne odeur se diffuse dans tout le rez-de-chaussée en quelques minutes.
J’entends la grande porte d’entrée claquer puis la voix d’Elric complimentant l’odeur de mon plat. Je rigole et lui dis que ce sera bientôt prêt. Il installe la table et j’arrive avec les deux assiettes toutes chaudes. Dedans, j’y ai mis une omelette légèrement poivrée et quelques légumes cuisinés à côté. C’est un de mes plats préféré. Nous nous régalons de ce simple déjeuner.
Après avoir rangé, je m’entraîne à nouveau aux tirs puis je rejoins Elric dans son labo. J’aime bien cet endroit. On recommence à discuter et à bricoler comme hier. Puis un bruit de moteur se fait entendre nous laissant deviner l’arrivée de nos amis. Nous allons les accueillir et nous assurer que tout, c’est bien passé. Ils affichent des mines fatiguées, mais apparemment tout, c’est déroulé pour le mieux. J’ai même le droit à des explications détaillé et mimé de la part de Charles qui ne peut s’empêcher de vanter ses mérites. Il monte sur la table, fait des pirouettes et reprends des prises qu’il a utilisé. Il utilise également son frère pour ses démonstrations qui râle. Le pauvre homme fatigué est forcé par Charles de rester debout et de se laisser faire. Elric et Ruben s’amusent aussi face au spectacle qu’il nous offre. Seul M. Navarro est parti dans son bureau pour continuer de travailler. Si je dois bien lui reconnaître une qualité, c’est son implication dans tout ce qu’il entreprend.
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