Cela fait une demi-heure que je les ai laissés en bas après avoir brutalement quittée la salle de réunion. Il est vrai que j’avais pu agir plus calmement et essayer de trouver une autre solution. Mais dans le fond, je savais très bien qu’il n’y avait pas d’autres débouchés. M. Navarro a travaillé sur son plan et est sûr de lui alors je ne pense pas qu’il m’aurai écouté. D’un coup, quelqu’un frappe à ma porte. Je ne m’attendais pas pour voir quelqu’un me rejoindre après ce qu’il s’est passé. Je reconnais la voix de M. Morel et je l’autorise à entrer. 189Please respect copyright.PENANAL1PpD7Crlq
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-Je venais voir comment vous allez. Nous étions sûrs qu’Aléandre vous avez tout expliqué le soir de votre arrivée. 189Please respect copyright.PENANAJGhSHPpO6q
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-Je vais bien, merci. Non, mais c’est vrai que j’aurais aimé être au courant plus tôt. 189Please respect copyright.PENANA6v9CdCAxgZ
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-Mais si ça avait été le cas, auriez-vous tout de même accepté ?
Évidemment que ma réponse aurait été non. J’aurais refusé de me laisser enlever et risquer de me faire vendre au premier venu. J’aurais eu bien trop peur même si cela ne dure qu’une soirée. D’ailleurs, j’ai toujours peur. Et si je le souhaite, je peux partir maintenant et les laisser se débrouiller. Or, si moi, j’ai peur en sachant ce qui va m’arriver, si je suis terrifié à l’idée de rester avec des fous pendant une soirée, alors que ressentent toutes ses femmes qui ont disparu depuis plusieurs jours, semaines ou peut-être mois ? Je ne crois pas avoir le droit de me plaindre en sachant que j’ai toute une équipe à mes côtés qui feront du mieux qu’ils le peuvent pour venir m’aider.
-Si je dois vous répondre honnêtement, alors non, je n’aurais pas accepté. Mais en y réfléchissant bien, je pense que les autres femmes qui sont enfermées quelque part sans même comprendre ce qui leur arrive doivent être effrayées. J’ai réagi de cette façon, car j’en veux encore énormément à M. Navarro pour ce qu’il a fait, mais les conséquences de ses actes ne doivent pas se répercuter sur ses pauvres dames. À leur place, je serais sûrement en train de prier pour qu’on vienne me chercher.
-Dois-je comprendre que vous ne nous abandonnez pas ?
Je hoche la tête en signe d’approbation et souris légèrement. Un sourire qu’il me rend avec un petit encouragement. Je lui confie que j’ai quand même peur de ce qui peut arriver et il commence à me raconter quelques petites anecdotes de précédentes affaires. Il m’en raconte une fort ressemblante à ce que je m’apprête à affronter ce soir. Elle date d’il y a trois ans. Un homme de Bretagne était soupçonné d’enlever et de séquestrer des jeunes femmes pendant plusieurs semaines. Puis une fois qu’il s’était lassé d’elles, il les abandonnait lors d’un voyage. Aléandre a alors décidé de faire en sorte qu’un membre de leur groupe se rapproche et flirte avec cet homme afin d’avoir une preuve. La mission fut un succès. La jeune fille a réussi à se faire remarquer, elle a été enfermée dans une pièce de la maison pendant plusieurs heures et ensuite Aléandre et les autres sont allés prévenir le commissariat de la ville qui a fait tout le nécessaire.
-Donc, à cette époque, une femme travaillait avec vous ? Ou alors était-ce temporaire comme moi ?
-Il n’y a jamais eu de femmes avec nous. Dit-il en rougissant. Vous êtes la première.
-Dans ce cas qui était votre complice ?
-C’était moi. Marmonna-t-il en rougissant de plus belle. Je me suis travesti en femme le temps de la mission. Je l’ai d’ailleurs bien regretté, car je n’ai jamais pu retrouver ma couleur de cheveux naturels.
-Quel est le rapport ?
-L'homme en question avait une préférence pour les blondes. Sauf que j'étais brun donc pour augmenter nos chances, j'ai dû les décolorer pour les teindre ensuite. Sauf qu'il y avait un problème avec le produit de décoloration qui a accéléré le vieillissement des cellules responsables de la couleur des cheveux et maintenant, je vais les garder grisonnants toute ma vie.
J'examine ses cheveux. Je ne mettais même pas posée la question de pourquoi ils étaient gris. J'essaye d'imaginer la petite queue qu'il a l'habitude de faire avec sa couleur naturelle. Ils devaient être très beaux en brun.
-J'ai remarqué qu'il y avait pas mal de robe dans une des armoires. Avez-vous dû recommencer par la suite ?
-Non, j'ai précisé à Al que c'était la première et dernière fois que je faisais ce genre de chose. S'il y en a autant, c'est parce que cette affaire-là avait duré deux semaines, je crois. D'ailleurs, si on ne vous avait pas rencontrés, j'aurai dû remettre une de ces robes et me présenter à cette soirée mondaine à votre place.
En entendant cela, je me sens un peu plus satisfaite d'accepter ce rôle. Il devait se sentir retiré de toute dignité. Je lâche un petit rire l'imaginant dans la robe que je suis censé porter. Puis il change de sujet.
-Vous savez, Al m'a raconté ce qui s'est passé ce fameux soir. Il ne l'a pas fait exprès. Il avait réellement l'intention de l'épargner, mais sa cible, c'est servi de votre mère pour se protéger et il n'a rien pu faire puisque la balle était déjà partie. Je comprends que vous ne pouvez pas lui pardonner aussi facilement. Mais essayait d'atténuer un peu votre colère envers lui, car ce n'était pas entièrement de sa faute.
-J'essaierais. Murmurais-je.
-Tant mieux. Vous devriez aller vous préparer, je vais prévenir les autres que rien ne change.
Il sort de ma chambre et je fais de même. Tandis que lui, se dirige au rez-de-chaussée, moi, je m'en vais en direction de la penderie. La robe est à la même place que la dernière fois et je trouve Oscar Mandrin en train de ressortir les chaussures. Il me lance un petit sourire maladroit. Il paraît facilement gêné et je m'en veux de m'être comporté de cette façon face à eux alors qu'ils n'y étaient pour rien. Il me tend la tenue complète et me dit qu'il reste dans la pièce en cas de besoin.
***
Je me trouve devant la grande façade de la maison des Belcourt. On ne peut que se sentir minuscule face à elle. Charles Mandrin est déjà parti rejoindre son frère dans les cuisines et je me retrouve donc seule sur le palier. Je sais que je ne crains pas grand-chose. M. Durand est caché de l'autre côté de la route et les autres m'attendent à l'intérieur. Plus je m'approche de la porte et plus je sens l'anxiété monter en moi. Je passe l'entrée et un homme, assez petit et boudiné dans son costume, vient à ma rencontre et me souhaite la bienvenue. J'arrive à peine à parler tant je suis crispée. Je bégaie et je pense également m'être trompé dans la prononciation de mon nom. Heureusement pour moi, mon hôte ne prête pas attention à mes paroles et se dirige déjà vers un nouvel arrivant. Je scrute la salle du regard pour savoir vers où aller, mais surtout pour tenter de repérer les membres des Buglosses. Je croise le regard de M. Navarro qui me fait discrètement signe de respirer. Il est vrai que depuis que j'ai mis les pieds hors de la voiture, je retiens, sans même m'en rendre compte, mon souffle. Je pense même avoir commencé à me sentir mal à partir du moment où l'on m'a coiffé et maquillé. Quand je m'habillais, j'étais bien trop concentré à répéter les étapes que M. Mandrin m'avait appris pour pouvoir avoir peur. En revanche, quand le costumier du groupe a commencé à passer la brosse dans les boucles de mes cheveux, j'ai senti cette petite boule se former dans mon estomac.
Je prends une grande inspiration et tente de passer au travers de la peur et de l'angoisse. Après cela, un groupe de dames vient à moi pour discuter. Je suppose que ce sont des amies ou du moins des connaissances de la fille de M. Ranstre si elles viennent m'aborder comme elles le font. Je rentre dans le jeu et leur offre mon plus beau sourire. Ces femmes sont très bavardes et aiment raconter tous les commérages qu'elles ont pu entendre. J'écoute silencieusement ce qu'elles disent et je réponds quand on me demande mon avis. J'évite de parler quand ce n'est pas nécessaire pour éviter de sortir une bêtise. Entre temps de nouvelles personnes se joignent à nous et d'autres s'en vont voir ailleurs. Quand je suis seule un petit instant, l'un des jumeaux vient me voir, en prétextant m'offrir une coupe de champagne, pour s'assurer que tout va bien, puis repart tout aussi rapidement. Ça me rassure de les voir toujours à proximité et près à agir en cas de problème. Je pense que c'est cela qui m'aide à me détendre petit à petit.
Plus nous avançons dans la soirée et plus je me sens à l'aise. Si bien que je finis par réellement m'amuser. Je réussis à lancer des sujets de conversation comme me l'a appris Wilfried et je me rends compte qu'une fois lâché tout s'enchaîne très facilement. Je rencontre beaucoup d'hommes d'affaires, de femme de banquier et des dirigeants de commerces connu. L'un d'eux, se présentant comme Frédéric d'Osier, ne cesse de rester avec moi. Il discute de fait divers et me complimente énormément. Il doit sûrement courtiser la fille du vicomte, mais dans ce cas, il aurait sûrement déjà remarqué que je ne suis pas la vraie. Alors, je pense pouvoir le mettre sur notre liste de suspects. Après tout, c'est assez étrange qu'il ne fasse pas comme tout le monde et qu'il ne change pas d'interlocuteur tous les quarts d'heure. Tous ceux avec qui j'ai échangé depuis mon arrivée, on finit par se lasser de ma compagnie et est aller voir ailleurs, mais pas lui. Lui est avec moi depuis plus d'une heure et demie et cela n'ait pas fait pour me rassurer. Je sais que je suis censée me rapprocher au plus de lui, mais sa présence commence à m'étouffer. Je feins de me sentir mal pour pouvoir aller m'aérer, mais celui-ci ne daigne pas me lâcher. Il me dit qu'il va m'accompagner dans le jardin, car seule, ça peut être dangereux. J'essaye de trouver quelqu'un à qui faire signe, mais je ne vois pas Messieurs Mandrin qui devrait être de service. Je décide tout de même de le suivre pour ne pas paraître étrange. Au moment de nous enfoncer dans un long couloir plutôt animé, j'aperçois M. Navarro discuter avec un homme grand et à la carrure imposante. Je fais de mon mieux pour lui envoyer un signe discret, mais celui-ci est trop pris dans sa conversation.
Une fois dans le jardin, nous marchons dans un silence pesant. Je suis de plus en plus mal à l'aise ne sachant pas ce qu'il prépare. De plus, je n'ai pu prévenir personne de ma sortie même si nous restons sur la propriété des Belcourt. Après tout, peut-être qu'il y a une porte au fond du jardin et qu'il va nous faire passer par là pour m'enlever sans que personne ne nous voie. C'est pour cela que je devais absolument les prévenir si je quittais la pièce. Mais maintenant il est un peu tard pour faire marche arrière donc autant continuer d'avancer tout en restant vigilante.
M. d'Osier m'invite à m'asseoir sur un banc de pierre entouré de sublimes plans de fleur. Je ne sais pas quoi dire pour relancer la conversation. En réalité, je n'ai aucune envie de le faire, mais je préfère largement discuter amicalement avec celui qui pourrait être mon futur agresseur plutôt que de reste dans une atmosphère pseudo-romantique et muette. Avec un peu de chance, peut-être, me laissera-t-il tranquille. Je cherche au plus profond de ma mémoire quelque chose que je n'aurais pas encore cité, mais j'ai un grand trou noir à la place de la liste que j'avais faite. Il est sans doute dû à mon niveau de peur trop élevé. Je fais en sorte de ne pas le regarder pour éviter une situation encore plus embarrassante que celle où nous nous trouvons maintenant, mais d'un autre côté mon instinct veut absolument que je garde un œil sur lui. Je choisis tout de même de ne pas laisser paraître mon inquiétude. Fort heureusement, je n'ai pas à l'ignorer bien longtemps puisque sa voix grave mais douce vient rompre le silence :
-Mademoiselle, sachez que je passe une agréable soirée en votre compagnie. Pour la continuer de manière plus intime et tranquille, j'aimerais, si vous acceptez, vous emmener dans un restaurant proche d'ici. Qu'en dites-vous ?
Je voudrais que ma réponse soit non. Je voudrais pouvoir partir et qu'il me laisse tranquille. Je voudrais rentrer au manoir et faire mes valises pour conclure cette mission. Mais ce n'est pas ce que je vais faire. J'ai la confiance de tout le monde pour retrouver ces jeunes filles et c'est bien ce que je compte réaliser. D'une voix suave, timide, mais enjôleuse, je lui réponds :
-Avec plaisir monsieur.
Il me sourit chaleureusement, mais mon ravisseur ne devrait pas savoir être chaleureux. Au contraire, il devrait être froid et méchant. Il ne devrait pas me tendre la main pour m’inviter à me relever. Il ne devrait pas me donner son bras pour marcher dans l’allée. Il ne devrait pas faire croire à une affection. Et pourtant s’il ne le faisait pas, personne ne tomberais sous le charme au point de se laisser guider jusqu’à un restaurant qui n’est pas, de toute évidence, la destination finale. À moins que cet homme soit honnête ? Mais quelqu’un d’aussi parfait que ce qu’il laisse paraître n’existe pas. Le fait qu’un homme soit aussi beau, gentil, honnête, attentionné et élégant ne peut être qu’un rêve. Une vulgaire chimère embrouillant les esprits et faisant croire aux jeunes filles les plus naïves une réalité inexistante. Mais je ferais sûrement partie de ses jeunes filles si on ne m’avait pas mise au courant. Je serais sûrement la naïveté que je décris si j’étais née dans ce milieu-ci. Au fond, ces femmes-ci, sont nées dans le but de se trouver un mari convenable et de l’épouser au plus vite. Aucune d’entre elles n’aurait pris le risque de refuser les avances d’un homme aux allures de gentleman. Mais moi qui ne suis pas née dans le même monde qu’elles, je le sais depuis mon plus jeune âge qu’un tel homme n’existe pas. Mon père n’était qu’un lâche, mon ancien maître un homme méchant et antipathique et mon nouvel « employeur » un arrogant égocentrique.
Pour accéder à la cour avant, nous ne passons pas à l’intérieur de la maison. M. d’Osier me fait faire le tour de la bâtisse, ce qui ne m’arrange pas. Non seulement, je n’ai pas pu les prévenir que je suis avec un potentiel suspect, mais en plus, je risque de ne jamais être retrouvé. Je réfléchis beaucoup trop lentement et sans m’en rendre compte nous sommes déjà arrivé à sa voiture. Je sens la panique monter peu à peu. Des gouttes de sueur perlent sur mon front. Un frisson glacé parcourt mon dos. Je le vois se pencher sur le siège avant de la voiture. Il est en train de parler à quelqu’un. Je dois rapidement trouver quelque chose. Ne serait-ce qu’un moyen d’indiquer aux autres que leur plan à fonctionner. Instinctivement, je recule tout doucement et dis que j’ai oublié mon sac pour rentrer dans la maison.
-Ne vous en faites pas. Vous n’en aurez plus besoin.
Sa phrase me fait tout de suite comprendre que je suis prise au piège. Puis, quelque chose vient se poser sur mon nez pendant qu’un corps me sers contre lui. Le tissu à une forte odeur qui monte dans mes narines et m’irrite la gorge. Je me débats du mieux que je peux voulant m’échapper au plus vite. Je ne dois surtout pas m’endormir pour au moins repérer vers où nous allons ou bien envoyer un signe de détresse au premier venu. Même si je ne suis pas sûr que cela arrange quoi que ce soit. Mais il est déjà trop tard. La fatigue monte de plus en plus laissant place à un sommeil incontrôlé.
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