Le sommet de la colline se dressait devant lui, imposant, presque hostile. Ryven inspira profondément, ses yeux fixant les rochers abrupts et la pente traîtresse qu’il devait encore escalader. Il serra les poings, sentant le léger frisson de l’adrénaline courir dans ses veines. Pourtant, son cœur était lourd. Pas de peur, pas vraiment. C’était une lourdeur plus insidieuse, celle des doutes et des souvenirs qui cherchaient à l’écraser.
Alors qu’il posait le pied sur la première pierre, son esprit commença à le bombarder de questions : Est-ce que je peux vraiment y arriver ? Est-ce que ce plan est même réalisable ? Ai-je une chance contre un boss de donjon ?
Les doutes ne l’abandonnèrent pas, même lorsqu’il atteignit les premiers mètres. Mais cette fois, son corps semblait plus sûr. Chaque mouvement, chaque prise sur la roche était plus précis, comme si son entraînement dans ce portail avait déjà renforcé sa force et son endurance.
Il se rappelait les mots de son professeur de stratégie à l’académie, une femme stricte mais perspicace.
— Dans un combat, Aelris, la victoire ne dépend pas seulement de la puissance brute. Votre esprit est votre plus grande arme. Si vous laissez vos émotions vous contrôler, vous avez déjà perdu.
Ryven grimaça en gravissant une pierre particulièrement glissante. Son esprit, justement, semblait être son plus grand ennemi en ce moment. Il ne pouvait s’empêcher de penser à ce qui l’attendait en bas.
Le sanglier alpha… un monstre d’une taille et d’une puissance colossales. Sa simple présence dégageait une aura d’autorité et de danger. Et lui, Ryven, un rang F à peine capable de maintenir une sphère de lumière, allait devoir l’affronter.
— C’est ridicule, marmonna-t-il en essuyant la sueur de son front.
Mais il continua. Chaque pas le rapprochait du sommet, chaque prise renforçait un peu plus sa détermination. Il savait que ce qu’il faisait était insensé. Mais il savait aussi qu’il n’avait pas le choix.
Il atteignit finalement le sommet et se laissa tomber à genoux, reprenant son souffle. Devant lui, la vue familière s’étendait : la vallée, la cascade, et le troupeau de sangliers en contrebas. Leur roi, le dominant, était toujours là, immobile, surveillant son territoire comme un monarque incontesté.
Ryven s’accroupit, observant attentivement la scène. Cette fois, il devait être sûr de tout. Il n’y avait pas de place pour l’erreur.
Assis sur un rocher plat, Ryven posa ses mains sur ses genoux, cherchant à calmer les tremblements de ses doigts. Il inspira profondément, laissant l’air frais remplir ses poumons.
Concentre-toi. Respire. Calme-toi.
Il ferma les yeux et commença à visualiser sa magie. La lumière, douce et chaude, jaillissant de son premier noyau, contrastait avec l’ombre tapie dans le second. Ces deux énergies étaient comme des courants opposés, parfois harmonieux, parfois conflictuels.
Une petite sphère lumineuse apparut au-dessus de sa main, vacillante au début, mais elle se stabilisa après quelques instants. Depuis l’apparition de son second noyau, manipuler la lumière était devenu plus naturel, même si sa puissance restait limitée.
— Allez, murmura-t-il, fixant la sphère.
Il fit un mouvement brusque avec sa main, et la lumière jaillit vers le troupeau en contrebas. L’éclat éclata comme une étoile naissante, illuminant brièvement la vallée.
Le bruit qui suivit fit battre le cœur de Ryven plus vite. Les sangliers relevèrent la tête, grognant bruyamment. Leurs corps massifs bougeaient avec une synchronisation presque terrifiante.
Mais Ryven n’était pas concentré sur eux. Ses yeux étaient fixés sur le dominant.
L’alpha, se détacha lentement du troupeau. Ses sabots martelaient le sol, et un grognement sourd résonnait dans la vallée. Ses défenses, courbées comme des lames, semblaient refléter la lumière de la sphère, donnant à la créature un air presque surnaturel.
Ryven sentit sa gorge se serrer alors que le dominant commençait à charger. Chaque pas était une déclaration, un rugissement silencieux : Tu oses me défier ? Moi ? Le roi de cette vallée ?
— Il vient… murmura Ryven, son souffle court.
La charge du dominant était brutale. Le sol tremblait sous son poids, et chaque seconde qui passait semblait rallonger l’ombre de la bête, comme si elle s’étendait pour l’avaler.
Mais Ryven ne bougea pas. Pas encore.
— Maintenant ! s’écria-t-il, se jetant sur le côté au dernier moment.
Le dominant passa à quelques centimètres de lui, le souffle de sa course balayant Ryven comme un coup de vent. La créature, emportée par son élan, dévala la pente à toute vitesse.
Ryven se redressa lentement, fixant la scène. Le sanglier alpha s’écrasa dans le bassin en contrebas, provoquant une énorme éclaboussure.
Un sourire nerveux se dessina sur les lèvres de Ryven.
— Et maintenant… la partie difficile, murmura-t-il.
Ryven se tenait au bord de la falaise, les yeux fixant le bassin en contrebas. Le sanglier alpha, bien qu’énorme, semblait légèrement désorienté par son plongeon forcé. L’eau autour de lui était agitée, des vagues se brisant contre les rochers environnants.
— C’est maintenant ou jamais, se dit Ryven à voix basse.
Il ferma les yeux et invoqua une lame d’ombre. L’énergie sombre afflua de son second noyau, fluide et obéissante. Une lame fine et élégante apparut dans sa main, vibrante d’une énergie qu’il commençait à peine à comprendre.
Il laissa échapper un soupir.
— Merci… murmura-t-il à lui-même, reconnaissant envers cette étrange force qui semblait enfin l’écouter.
Il serra la poignée de la lame, ses pensées se concentrant sur sa cible. Le sanglier alpha continuait de patauger, visiblement irrité mais encore confus.
— Allez, Ryven. Juste saute.
Il prit une grande inspiration et se lança dans le vide.
Le vent fouettait son visage tandis qu’il tombait, sa lame prête à frapper. Chaque seconde semblait s’étirer, chaque battement de son cœur résonnant dans ses oreilles comme un tambour.
À quelques mètres de sa cible, il lança la lame de toutes ses forces. Elle fusa à travers l’air, laissant une traînée noire derrière elle, avant de transpercer le flanc du sanglier.
Un hurlement bestial secoua les environs. Ryven sentit une vague d’euphorie monter en lui, mais cette sensation fut rapidement éclipsée par la réalité de sa chute.
Il tendit désespérément la main, tentant de former un coussin d’ombre pour amortir son atterrissage. Mais rien ne se passa.
Les particules de mana continuaient de danser autour de lui, scintillant comme pour se moquer de ses efforts.
— Pas maintenant ! rugit-il, la frustration bouillonnant en lui.
Le sol se rapprochait rapidement. Il ferma les yeux, acceptant l’inévitable.
Un cri perçant brisa le silence. Une chaleur dorée envahit son corps alors qu’il sentait une force puissante l’attraper. Ryven ouvrit les yeux, stupéfait, pour voir le phénix de Caelmar.
Les ailes flamboyantes de l’oiseau illuminaient le ciel, sa présence imposante mais réconfortante dissipant toutes les peurs de Ryven.
Le phénix le déposa doucement sur la rive, ses griffes relâchant leur prise avec précaution. Ryven s’effondra sur le sol, son corps tremblant et son esprit encore confus.
Un éclat bleu émana de l’artefact de communication accroché à sa ceinture. La voix enjouée de Caelmar retentit.
— Bah alors, Aelris ? Tu pensais vraiment que j’allais te laisser mourir comme ça ?
Ryven leva les yeux, un sourire fatigué mais sincère sur le visage.
— Merci… souffla-t-il.
Il resta un moment immobile, fixant le ciel. Pour la première fois, il sentit une fierté qu’il n’avait jamais connue auparavant. Il avait réussi.
Quelques instants plus tard, il émergea du portail, où Caelmar l’attendait. Le directeur de l’Agence le fixa avec un mélange d’amusement et de respect.
— Pas mal, Ryven, déclara-t-il. Mais il y a quelque chose que tu dois savoir.
Ryven fronça les sourcils.
— Quoi ?
Caelmar croisa les bras, un sourire malicieux sur les lèvres.
— Ce n’était pas un donjon de rang F.
Ryven écarquilla les yeux.
— Quoi ?!
— C’était un donjon de rang E. Et tu l’as complété seul.
Il posa une main sur l’épaule du garçon.
— C’est un exploit que même certains chasseurs expérimentés peinent à accomplir. Et toi, un rang F… tu viens de faire l’impossible.
Ryven resta sans voix, ses pensées se bousculant. Mais au fond de lui, une chose était certaine. Il n’était plus le garçon insignifiant que tout le monde voyait.
Et ce n’était que le début de son voyage.
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