Ryven inspira profondément, laissant l'air frais du matin remplir ses poumons. Depuis qu’il avait commencé cet entraînement intensif, chaque journée semblait être une lutte entre son corps et son esprit. Cela faisait maintenant plusieurs jours qu’il s’entraînait sous la supervision de Caelmar. Pourtant, ce matin-là, il n’arrivait pas à secouer la sensation étrange qui l’oppressait. Cette impression qu’une ombre invisible l’accompagnait, qu’un murmure silencieux s’insinuait dans ses pensées.
Debout sur la vaste plaine, il fixa l’horizon, où l’herbe sèche ondulait faiblement sous un vent timide. Chaque journée débutait par les mêmes exercices, mais aujourd’hui, même l’air semblait différent. Plus lourd. La lumière du jour était terne, comme si le soleil lui-même hésitait à briller pleinement.
— Allez, Ryven, murmura-t-il pour se motiver. Juste cinquante tours comme d’habitude.
Il se mit en mouvement, ses pieds s’enfonçant légèrement dans le sol poussiéreux. Les premiers pas furent rythmés, presque automatiques, mais rapidement, ses pensées s’égarèrent. La voix qu’il avait entendue pendant sa méditation ne cessait de lui revenir. Ces mots indistincts, ce mélange de sons qu’il n’arrivait pas à décrypter… Et cette vision des portails béants. Pourquoi tout cela semblait-il si réel ? Pourquoi sentait-il que tout cela était lié à lui ?
Il secoua la tête, essayant de se concentrer sur ses mouvements. Mais plus il avançait, plus l’impression d’être observé grandissait. Il jeta un coup d'œil furtif autour de lui, scrutant l’étendue vide. Rien. Juste la plaine.
— Concentre-toi, grogna-t-il en serrant les poings. Ce n’est qu’un entraînement…
À distance, Caelmar, les bras croisés, l’observait silencieusement. Finalement, il s’avança, ses bottes écrasant les brins d’herbe sous ses pas.
— Si ton esprit est ailleurs, tes ennemis te dévoreront avant même que tu n’aies compris ce qui se passe, lança-t-il d’un ton sec.
Ryven se figea, serrant les dents. Il leva les yeux vers Caelmar, l’irritation se lisant sur son visage.
— Je suis concentré, répondit-il d’un ton mordant.
Caelmar haussa un sourcil, un sourire amusé naissant sur ses lèvres.
— Ah oui ? Alors pourquoi est-ce que tu trébuches sur tes propres pieds ? Tes pensées sont aussi bruyantes qu’un gong. Tu ne peux pas te permettre d’être distrait. Pas ici. Pas maintenant.
Ryven détourna le regard, sentant une bouffée de frustration monter en lui. Mais il savait que Caelmar avait raison. Il n’avait pas le luxe de se laisser submerger par ses doutes. Pas dans un endroit où chaque moment était une épreuve.
— Bien, dit Caelmar en reculant légèrement. Si tu as fini de te plaindre intérieurement, il est temps de passer à quelque chose de plus intéressant. Ce n’est pas un échauffement qui va faire de toi un éveillé digne de ce nom.
Caelmar fit apparaître un artefact circulaire, gravé de runes complexes et d’un métal noir luisant. Il le tenait dans sa main droite avec une certaine nonchalance, mais une énergie palpable émanait de l’objet. Ryven s’arrêta, intrigué, et observa en silence alors que Caelmar commençait à murmurer des mots dans une langue étrange.
Les sons étaient graves, presque gutturaux, mais ils portaient une harmonie inquiétante. Cela lui rappela immédiatement les bribes de mots qu’il avait entendues dans sa méditation. Ces murmures, similaires mais impossibles à comprendre.
— Cette langue… qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il brusquement, brisant le silence.
Caelmar marqua une pause, levant un sourcil avant de continuer son incantation. Lorsque le cercle de lumière jaillit de l’artefact et que l’arène commença à se former autour d’eux, il répondit enfin.
— Une langue ancienne, répondit-il simplement. Celle des premiers éveillés. Des créateurs d’artefacts et des explorateurs des premiers portails.
Ryven fronça les sourcils, sa curiosité piquée.
— Mais pourquoi… Elle me semble familière. Comme si je l’avais déjà entendue.
Caelmar fixa Ryven, un éclat intrigué dans le regard.
— Peut-être que tu l’as entendue. Ou peut-être que cette langue résonne avec ton affinité. Les langues des anciens éveillés réagissent différemment selon les individus. Mais ce n’est pas une question à poser maintenant.
Ryven voulut insister, mais Caelmar leva une main pour l’interrompre.
— Concentre-toi sur l’épreuve. Tu as des choses bien plus importantes à gérer pour le moment.
Ryven regarda l’arène massive qui se dressait devant lui. Les murs noirs scintillaient de glyphes lumineux qui pulsaient doucement, comme des battements de cœur. Une tension étrange flottait dans l’air, et Ryven sentit un frisson parcourir son échine.
— Cette arène est différente de tout ce que tu as vu jusqu’ici, expliqua Caelmar. Elle réagit à ton esprit, à tes peurs, à tes doutes. Elle ne te détruira pas physiquement, mais elle mettra à nu tout ce qui te freine.
Ryven déglutit. Les mots de Caelmar n’avaient rien de rassurant. Pourtant, il avança, bien décidé à affronter ce qui l’attendait.
Dès qu’il franchit le seuil de l’arène, une pression invisible s’abattit sur lui. L’air sembla se figer, et un voile sombre recouvrit son champ de vision. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il n’était plus dans l’arène. Il se trouvait au milieu de sa ville natale, sous un ciel gris menaçant. Les maisons familières, les rues pavées... Tout était exactement comme dans ses souvenirs. Pourtant, quelque chose clochait.
Les habitants qu’il croisait l’ignoraient complètement. Leur regard glissait sur lui comme s’il n’existait pas. Et puis, il y avait ce silence. Oppressant. Anormal.
— Lirina ? Dalven ? appela-t-il, sa voix résonnant étrangement dans l’air.
Aucune réponse. Puis, soudain, les murmures commencèrent.
— Une anomalie…11Please respect copyright.PENANAz1kAPGZD60
— Un danger…11Please respect copyright.PENANAEZHlSlsVOE
— Il n’apportera que destruction…
Ryven recula, les mains sur les oreilles, mais les murmures semblaient provenir de sa propre tête. Les visages des habitants se tordirent, leurs yeux devenant noirs comme du charbon. Ils le fixaient, accusateurs, s’approchant lentement de lui.
— Ce n’est pas réel ! cria Ryven. Ce n’est pas réel !
Et comme si ces mots avaient brisé un sort, la vision s’effaça. Il se retrouva dans l’arène, à genoux, le souffle court. Mais l’arène n’avait pas fini avec lui.
Le sol sous ses pieds disparut soudainement, et il sentit la gravité l’attirer dans le vide. La sensation de chute libre était terrifiante. Il hurla, ses bras cherchant désespérément quelque chose à quoi se raccrocher. Mais il n’y avait rien. Juste l’abîme.
— Non… Non ! cria-t-il.
Puis, aussi soudainement que la chute avait commencé, il se retrouva sur un sol dur, son corps douloureux. Bien qu’il sache que tout cela était une illusion, la douleur semblait terriblement réelle. Mais il serra les dents et se releva, vacillant légèrement.
— Tu n’es pas faible, murmura-t-il pour lui-même. Tu n’es pas faible…
Après ce qui sembla une éternité, Ryven trouva les trois orbes dissimulés dans l’arène. Mais lorsqu’il atteignit la porte de sortie, il s’arrêta net. Une ombre dense et mouvante enveloppait la porte, dégageant une énergie presque suffocante.
Et puis, la voix revint.
"Ryven… tu avances vers ce que tu ne peux fuir. Ombre et lumière… deux faces d’un même destin."
Ryven recula, le souffle court. La voix semblait émaner d’un endroit lointain. Tout en lui criait de fuir, mais une part de lui savait qu’il devait affronter cette ombre.
Rassemblant son courage, il tendit la main vers l’ombre. Instinctivement, il sentit son énergie se manifester, et une clé d’ombre éphémère se forma dans sa main. Tremblant légèrement, il inséra la clé dans la porte. L’ombre se dissipa immédiatement, et la porte s’ouvrit.
Ryven s’effondra de l’autre côté, épuisé mais vivant.
Caelmar l’attendait, les bras croisés.
— Intéressant… murmura-t-il en s’approchant.
Ryven, à genoux, leva les yeux vers lui.
— Qu’est-ce que je suis ? demanda-t-il enfin, la voix brisée.
Caelmar s’accroupit, son regard perçant fixant celui du garçon.
— Ce que tu es ? Un être en devenir. Mais si tu veux des réponses, il faudra apprendre à plonger dans tes propres ténèbres sans te perdre.
Ryven baissa les yeux, pensif. Les mots de Caelmar résonnaient en lui, mais il ne savait pas encore s’il était prêt à les accepter.
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