Ryven ouvrit les yeux en sursaut. Une seconde auparavant, il avait l’impression d’être plongé dans un sommeil profond, mais il se réveillait avec le sentiment oppressant d’avoir à peine dormi.
Il s’assit sur son lit, la tête dans les mains.
— Un rêve… ?
Des images floues traversaient son esprit. Une lumière aveuglante, une voix grave, et quelque chose d’immense. Mais dès qu’il essayait de se concentrer, les souvenirs lui échappaient.
Dans la pièce voisine, Ryven entendit un bruit familier : Torky, le familier de sa tante Lirina, trottinait avec ses pattes ardentes. Sa lueur réchauffait doucement l’atmosphère de la maison encore endormie.
Ryven jeta un coup d’œil par la fenêtre. Le ciel, teinté de gris pâle, annonçait l’aube. Bien trop tôt pour aller en cours. Il enfila rapidement une veste et sortit dans les rues silencieuses de Myren.
Dans cette tranquillité inhabituelle, les ruelles pavées semblaient presque irréelles, éclairées par la lumière vacillante des cristaux magiques. Ryven marcha sans but précis, son esprit toujours troublé.
C’est alors qu’il croisa un groupe de l’Agence des Éveillés en patrouille. Leur armure scintillante et leur port altier imposaient le respect. Ils discutaient d’une mission récente, évoquant un portail situé à la frontière du royaume.
Ryven s’arrêta un instant, les observant avec une pointe d’envie.
— Un jour… j’aimerais leur ressembler, murmura-t-il.
Mais au fond de lui, il savait que c’était un rêve presque impossible.
La matinée avançait, et Ryven réalisa qu’il avait perdu la notion du temps. Lorsqu’il arriva à l’académie, la cloche avait déjà sonné. Il se hâta vers la salle de classe, espérant passer inaperçu.
En vain.
— Monsieur Aelris, quelle surprise ! lança le professeur Nelvaren d’un ton sec en l’apercevant. Vous daignez nous honorer de votre présence ?
Ryven, les joues brûlantes, marmonna une excuse tandis que des ricanements fusaient dans la classe.
— Asseyez-vous. Nous reprenons, continua Nelvaren sans même attendre sa réponse.
Le cours portait sur les portails, et Nelvaren, fidèle à son habitude, animait une carte magique détaillant leurs localisations les plus connues.
— Les portails sont classés par dangerosité, expliqua-t-il en pointant un exemple. Classe F pour les plus simples, jusqu’à la classe Z, que seuls les éveillés légendaires osent affronter.
Ryven tenta de se concentrer, mais chaque murmure derrière lui, lui faisait perdre le fil.
— Même un portail de classe F serait trop compliqué pour un rang F, chuchota un camarade avec un ricanement étouffé.
Le professeur, entendant à moitié, lança un regard perçant à l’assemblée.
— Bien. Quelqu’un peut-il me rappeler pourquoi seuls les éveillés peuvent entrer dans les portails ?
Velgar, le prodige de la classe, leva immédiatement la main.
— Parce que les portails réagissent au mana des éveillés. Sans affinité magique, il est impossible de survivre dans un portail.
— Exact. Merci, Velgar, répondit Nelvaren en hochant la tête. Et cela explique pourquoi seuls certains d’entre vous ont une chance d’y mettre les pieds un jour.
Un autre élève ajouta à voix basse :
— Pas toi, Aelris.
Ryven se tassa dans sa chaise, incapable de répondre.
Après la cloche annonçant la pause déjeuner, Ryven s’éclipsa rapidement. Les couloirs étaient bondés, et il voulait éviter autant que possible de croiser ses camarades.
Il se réfugia dans les toilettes abandonnées de l’aile sud, son refuge habituel. L’endroit était délabré, les carreaux fissurés et les murs marqués de graffitis magiques effacés depuis longtemps. Il entra dans une cabine et s’assit, soupirant longuement.
"Encore une journée de plus," pensa-t-il.
Alors qu’il commençait à se détendre, un léger tremblement secoua le sol. Ryven fronça les sourcils, pensant à une bagarre dans un couloir voisin. Mais les vibrations s’intensifièrent, et une sensation étrange lui serra la poitrine.
Il sortit de la cabine, intrigué et inquiet. Son regard se posa sur le miroir des lavabos. Sa surface semblait… onduler. Non, ce n’était pas une illusion.
— Qu’est-ce que… ?
La texture du miroir ressemblait à une flaque d’eau agitée par une brise invisible. Alors qu’il s’approchait prudemment, une voix retentit, glaciale et moqueuse.
— Un rang F qui se cache… dans des toilettes ? Quelle ironie.
Ryven recula brusquement, ses yeux écarquillés.
— Qui… qui est là ?
La voix semblait venir de partout et de nulle part à la fois.
— Pathétique. Un libérateur ? Ha ! Même une ombre te ferait peur, continua la voix, son ton empreint de mépris.
Ryven serra les poings.
— Arrêtez ! Je…
— Tu quoi ? rétorqua la voix avec un éclat de rire. Sauverais le monde ? Surmonterais ta faiblesse ? N’es-tu pas toi-même conscient que tu es incapable de quoi que ce soit ?
Chaque mot frappait Ryven comme une lame, car ils résonnaient avec ses propres doutes. Avant qu’il ne puisse répondre, le miroir s’illumina soudainement d’une lumière aveuglante.
— Tu te crois en sécurité ici, mais le destin ne laisse pas le choix aux faibles, conclut la voix.
La lumière explosa, engloutissant Ryven avant qu’il ne puisse réagir.
Ryven se réveilla lentement, ses sens engourdis. Sa tête lui semblait lourde, et une chaleur désagréable lui brûlait la peau.
Il ouvrit les yeux avec difficulté. Le sol n’était plus pavé, mais recouvert d’un sable noir aussi fin que de la poudre. Une odeur de soufre et de brûlé lui monta au nez, suffocante.
— Où… où suis-je ?
Le ciel au-dessus de lui était rouge sang, strié de nuages épais et sombres qui semblaient bouger lentement comme des ombres vivantes.
Ryven se releva avec peine, ses jambes tremblant sous son poids. Chaque souffle lui coûtait un effort.
Le silence fut brisé par une vibration sourde. Il sentit le sol trembler légèrement sous ses pieds. Une silhouette immense apparut à l’horizon, floue, mais grandissante à chaque seconde.
— Non… murmura Ryven, incapable de détourner les yeux.
La créature avançait, chacun de ses pas faisant trembler le sol. Elle était immense, bien plus grande que tout ce qu’il avait vu auparavant. Une aura sombre et écrasante l’entourait, semblant aspirer la lumière autour d’elle.
— Tu es enfin là, libérateur, résonna une voix grave, profonde comme un tonnerre lointain.
Ryven se tourna dans tous les sens, cherchant désespérément d’où venait cette voix, mais elle semblait emplir l’air tout entier.
— Libérateur ? Mais… je ne comprends pas ! cria-t-il, son cœur battant à tout rompre.
La silhouette continuait d’approcher. Ses contours se précisaient : une forme humanoïde, mais grotesque, ses bras démesurés traînant presque au sol, et des yeux brillants qui semblaient percer l’âme de Ryven à travers la distance.
— Nous t’attendions depuis 300 ans, continua la voix, implacable et imperturbable.
Ryven sentit ses jambes céder sous lui, ses mains tremblantes.
La créature s’arrêta à quelques mètres. Son ombre immense recouvrit Ryven, plongeant le monde autour de lui dans une obscurité écrasante.
"Un enfant fragile, perdu dans un monde qu’il ne peut comprendre."
La créature observait Ryven, minuscule et tremblant sous son ombre.
"Et pourtant, c’est lui que le destin a choisi… Un choix pathétique."
La créature inclina la tête, ses yeux brûlant d’une lueur écarlate. Chaque détail de ce garçon semblait confirmer son mépris.
"Mais peut-être… qu’un miracle est encore possible. Si ce monde doit être sauvé, il lui faudra s’éveiller à ce qu’il est vraiment."
Un sourire cruel, presque imperceptible, passa sur ce qui semblait être le visage de la créature.
"Montre-moi de quoi tu es capable, libérateur.7Please respect copyright.PENANAsrBPCCNKZu