Lorsque la porte de sa chambre d’hôpital se referma après le départ du vice-directeur Thalvar, Ryven resta figé, le regard perdu dans le vide. Ses mains tremblaient encore légèrement, et son esprit refusait de se calmer.
Il fixa un point imaginaire au plafond, tentant d’ignorer la sensation persistante qui semblait couler dans ses veines : un mélange de chaleur étrange et d’énergie sombre.
— Ce n’était pas qu’un rêve…
Ses paupières devinrent lourdes, et bientôt, il sombra dans un sommeil agité.
Dans son rêve, il se retrouvait à nouveau dans ce monde cauchemardesque. Le sol noir, brûlant, s’étendait à perte de vue. Les nuages lourds dans le ciel rouge sang semblaient peser sur son esprit, l’écrasant sous une tension oppressante.
Une silhouette familière apparut au loin. Immense, terrifiante. Les ailes de fumée noire de Thanatos se déployèrent dans un mouvement fluide, chaque battement créant des ondes de chaleur dans l’air.
— Tu ne pourras pas me fuir, résonna la voix de la créature, moqueuse et froide. Tu es marqué, Ryven Aelris.
Ryven recula, mais ses pieds semblaient collés au sol. Thanatos s’avança, dominant tout autour de lui.
— Tu crois que c’est terminé ? Ce n’est que le début.
Soudain, le sol sous ses pieds se déroba, et il chuta dans un abîme sans fin. Le rire de Thanatos résonna autour de lui, résonnant comme un écho éternel.
Ryven se réveilla en sursaut, sa respiration haletante. Son cœur battait si fort qu’il craignait qu’il n’explose.
— Ce n’était qu’un rêve… un rêve… répétait-il, mais une voix au fond de lui murmurait qu’il mentait.
Les jours passaient, mais Ryven ne se sentait pas mieux. Il tournait en rond dans sa chambre d’hôpital, se demandant combien de temps il pourrait rester ainsi avant de perdre pied. Chaque fois qu’il fermait les yeux, les ailes noires de Thanatos et ses mots moqueurs refaisaient surface.
Un matin, alors qu’il se tenait près de la fenêtre, fixant distraitement le jardin magique de l’hôpital, une idée germa dans son esprit.
— Si je ne peux pas changer ce que je suis… peut-être que je peux au moins essayer de devenir plus fort.
Il se souvenait des recommandations du médecin et des infirmières : du repos, beaucoup de repos. Mais rester immobile le rendait fou. Il avait besoin d’agir.
La salle de réhabilitation de l’hôpital était un lieu destiné aux patients en convalescence. Ryven n’avait jamais pensé qu’il y mettrait les pieds un jour. Lorsqu’il entra, il sentit immédiatement une vague d’inconfort.
La salle était lumineuse et remplie de machines sophistiquées mêlant technologie et magie. Des poids enchantés, des tapis d’entraînement qui simulaient des terrains variés, et des stations destinées à renforcer les muscles ou à rééduquer le mana trônaient dans l’espace. Plusieurs patients s’entraînaient déjà.
Ryven les observa un instant. Certains semblaient expérimentés, utilisant leurs éveils pour amplifier leurs efforts, tandis que d’autres, moins doués, progressaient à un rythme plus humain.
Il s’approcha d’une station de musculation où des poids enchantés reposaient sur un rack.
— Bon… c’est un début, murmura-t-il en saisissant l’un des poids les plus légers.
Dès qu’il essaya de le soulever, une douleur aiguë lui traversa les bras. Son corps, peu habitué à ce type d’effort, protesta immédiatement.
— Sérieusement ? Même ça, je n’y arrive pas ?
Il posa le poids avec un soupir et regarda autour de lui. Tous semblaient absorbés dans leur propre routine. Cela aurait dû le rassurer, mais il se sentait plus seul que jamais.
Ryven tenta de passer à une autre machine, un appareil conçu pour renforcer les jambes. Il s’assit maladroitement, suivant les instructions affichées sur un écran magique.
— Allons-y… doucement, dit-il en ajustant la résistance.
Il commença à pousser, mais ses jambes tremblèrent dès les premiers mouvements. Après quelques répétitions, il s’arrêta, la sueur perlant déjà sur son front.
Un groupe d’éveillés dans un coin de la salle jeta un coup d’œil dans sa direction, échangeant des sourires moqueurs.
— Regarde celui-là. Il est éveillé ? murmura l’un d’eux.
— On dirait qu’il va s’effondrer sous le poids de sa propre honte, ricana un autre.
Ryven sentit ses joues chauffer, mais il garda la tête baissée.
— Peu importe… Peu importe ce qu’ils pensent, marmonna-t-il, bien que les mots semblaient peu convaincants.
Malgré les difficultés, il retourna à la salle le lendemain, et encore le jour suivant. Chaque séance était un combat contre lui-même, mais il refusait d’abandonner.
Les semaines se transformèrent en mois, et Ryven s’accrocha à sa routine. Chaque matin, il se rendait à la salle, enchaînant les exercices avec une détermination féroce. Il ne cherchait plus à impressionner quiconque. Il voulait simplement prouver à lui-même qu’il pouvait tenir, qu’il n’était pas aussi fragile que tout le monde le disait.
Au fil du temps, il sentit des changements, bien que minimes. Ses bras, autrefois maigres, commençaient à prendre une forme plus définie. Ses jambes, bien que toujours faibles, semblaient plus solides. Mais les transformations restaient subtiles, presque imperceptibles.
Un jour, il se retrouva seul devant un miroir dans la salle. Il retira sa veste et observa son reflet.
Sa silhouette avait légèrement changé. Ses épaules semblaient plus larges, et ses bras étaient un peu plus musclés. Mais au-delà de ces détails, il se voyait toujours comme le même garçon fragile.
— C’est tout ? murmura-t-il en posant une main sur le miroir.
Il baissa les yeux, un mélange de frustration et de désespoir lui serrant la poitrine.
— Ce n’est pas ça qui va me rendre différent…
Malgré tout, il continua. Chaque jour, il revenait, répétant les mêmes exercices, s’accrochant à la mince lueur d’espoir qu’un jour, ses efforts porteraient leurs fruits.
Le jour tant attendu de sa sortie d’hôpital était enfin arrivé. Ryven traversa les couloirs familiers du bâtiment avec un mélange de soulagement et d’appréhension. Lorsqu’il passa les portes principales, le soleil caressa sa peau, et il inspira profondément l’air frais. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas ressenti cette sensation de liberté.
Lirina et son oncle l’attendaient sur le perron de leur maison, une petite bâtisse chaleureuse entourée de plates-bandes magiques où des fleurs lumineuses dansaient doucement sous l’effet du mana ambiant.
— Ryven ! s’écria Lirina en courant vers lui.
Elle se précipita pour l’enlacer, son sourire débordant d’émotion. Cette fois, elle fit attention à ne pas lui faire mal, mais son enthousiasme était toujours palpable.
— Doucement, tante, plaisanta Ryven, bien qu’il ne put s’empêcher de sourire.
— Je suis tellement heureuse que tu sois rentré ! lança-t-elle, ses yeux brillants de soulagement.
Son oncle s’avança à son tour, posant une main ferme mais réconfortante sur l’épaule de Ryven.
— C’est bon de te revoir à la maison, fiston. La maison semblait vide sans toi.
Ils entrèrent tous ensemble, et dès qu’il franchit le seuil, Ryven sentit une vague de chaleur familière l’envahir. L’intérieur n’avait pas changé. Le salon était toujours empli de cette odeur réconfortante de bois et d’épices, et le ronronnement de Torky, le familier de Lirina, se faisait entendre près de l’âtre où il se reposait.
— Va t’asseoir, Ryven. Je vais préparer le repas, déclara Lirina en s’activant dans la cuisine.
Ryven s’installa sur le vieux canapé moelleux, laissant son regard errer sur les objets familiers de la maison. Il réalisa à quel point cet endroit lui avait manqué.
Peu après, Lirina apporta un plateau rempli de plats simples, mais appétissants : un ragoût fumant, du pain encore chaud et une tarte aux fruits qu’elle avait visiblement préparée avec soin.
— Mange autant que tu veux, dit-elle en posant le plateau sur la table basse. Tu dois reprendre des forces.
Ryven attaqua le repas avec appétit, savourant chaque bouchée. Lirina et son oncle restèrent à ses côtés, partageant des histoires légères pour le distraire.
— Tu te souviens de la fois où Torky a essayé d’enflammer les rideaux ? lança son oncle en riant.
— Je m’en souviens, oui. Tante Lirina était furieuse, répondit Ryven avec un sourire amusé.
Ils éclatèrent tous de rire, et pour un moment, Ryven se sentit normal. Pas un rang F, pas un porteur d’un pouvoir étrange, juste un garçon entouré de sa famille.
Après le repas, ils passèrent la soirée à jouer à un jeu de plateau magique où les pièces se déplaçaient seules grâce à de petites incantations. Ryven se laissa entraîner dans l’atmosphère joyeuse, oubliant temporairement ses préoccupations.
Quand vint le moment de se coucher, Lirina posa une main sur son épaule.
— Je suis si fière de toi, Ryven. Peu importe ce que tu traverses, tu es fort. Ne l’oublie pas.
Ces mots restèrent gravés dans son esprit alors qu’il montait dans sa chambre. Allongé sur son lit, entouré du confort familier de son espace, il fixa le plafond.
— Peut-être… peut-être que les choses peuvent redevenir normales, murmura-t-il avant de sombrer dans un sommeil paisible.
Mais ce moment de calme ne dura pas. Le deuxième trimestre de l’académie arriva rapidement, ramenant Ryven à une réalité bien moins chaleureuse.
Dès son arrivée dans les couloirs, il sentit les regards. Certains étaient curieux, d’autres moqueurs. Les murmures ne tardèrent pas à suivre.
— Tiens, voilà le fragile, chuchota un élève.
— Il devrait être content d’être encore en vie, franchement, ricana un autre.
Ryven garda la tête baissée, serrant les poings pour ignorer les remarques. Mais chaque mot résonnait en lui, ravivant les doutes qu’il avait tenté d’étouffer.
En classe, les choses ne s’améliorèrent pas. Lors d’un cours de magie, le professeur, un homme austère au regard sévère, fit une annonce qui plongea toute la salle dans un mélange d’excitation et de nervosité.
— Cette semaine, nous organiserons un cours pratique d’entraînement à la maîtrise et au combat magique. Chaque élève sera évalué individuellement, déclara-t-il d’un ton neutre.
Un frisson parcourut la salle. Les murmures commencèrent immédiatement, et Ryven sentit son estomac se nouer.
— Le fragile va encore se ridiculiser, susurra quelqu’un derrière lui, suivi de ricanements étouffés.
Ryven baissa encore davantage la tête, essayant de disparaître dans sa chaise.
— Silence, gronda le professeur, son regard balayant la classe.
Il posa un instant les yeux sur Ryven, et quelque chose dans son expression trahissait une hésitation, peut-être même une pitié. Mais il détourna rapidement les yeux et reprit ses explications sur les consignes de l’exercice.
Ryven, lui, n’entendait plus rien. Son esprit était déjà envahi par l’angoisse.
— Comment vais-je m’en sortir ? se demanda-t-il, ses mains tremblant légèrement.
Il savait que cette évaluation ne ferait qu’aggraver sa situation. Peu importait ses efforts à l’hôpital, peu importait ce qu’il avait vécu. Aux yeux de ses camarades, il n’était rien de plus qu’un rang F.
La cloche annonça la fin du cours, et Ryven sortit rapidement, espérant éviter les regards. Mais une pensée persistante le hantait alors qu’il marchait dans les couloirs vides.
— Je ne peux pas continuer comme ça7Please respect copyright.PENANAxL8GRAsefq