Ryven observait la scène depuis sa cachette, le souffle court. Devant lui, la plaine s’était transformée en un véritable champ de guerre. Le sol, couvert de poussière et de feuillages écrasés, était jonché de carcasses de créatures des deux camps. Les corps inertes des singes capés et des sangliers sanguinaires s’entremêlaient dans un tableau sinistre, tandis que le reste des combattants continuait à s’entre-tuer avec une rage bestiale.
Les sangliers, lourds et brutaux, chargeaient sans relâche, faisant voler en éclats tout ce qui se trouvait sur leur passage. Leurs défenses étincelaient sous la lumière vive, maculées de sang et de boue. De leur côté, les singes capés ripostaient avec agilité, bondissant de branches en branches pour harceler leurs adversaires. Mais, malgré leur rapidité et leur coordination, ils semblaient faiblir face à la force brute des sangliers.
Ryven serra les poings. Ses yeux se fixaient sur les deux dominants, cherchant désespérément des indices.
Le dominant des singes capés, une créature massive avec un pelage tacheté de rouge, faisait preuve d’une férocité impressionnante, mais ses mouvements devenaient moins fluides. Ses griffes, longues et acérées, étaient recouvertes d’un mélange de sang et de terre. De l’autre côté, le sanglier alpha, gigantesque et imposant, boitait légèrement. Une large entaille sur son flanc saignait abondamment, mais cela ne semblait pas suffisant pour le ralentir complètement.
Ryven inspira profondément.
— Pourquoi aucun d’eux ne prend l’avantage ?
Il observa les troupes des deux camps. La bataille s’intensifiait, mais une chose devenait de plus en plus évidente : les deux groupes étaient à bout de forces. Les cadavres s’accumulaient, et les hurlements des singes se faisaient moins perçants.
Mais Ryven était inquiet.
— Si aucun des deux ne gagne… alors quoi ?
Il n’avait toujours pas identifié lequel des deux dominants était le boss du donjon. Et si le boss n’était pas éliminé par la bataille, cela signifiait qu’il devrait l’affronter directement.
Une idée qui lui donnait des sueurs froides.
Soudain, un changement se produisit.
Les singes capés, qui semblaient sur le point d’être submergés, battirent brusquement en retraite. Leur chef poussa un cri strident, et toute la troupe s’élança vers la forêt à une vitesse fulgurante.
— Hein ? Pourquoi ils fuient ?
Ryven plissa les yeux, suivant des mouvements agiles des singes qui disparaissaient entre les arbres. C’était une tactique qu’il n’avait pas anticipée. Les singes capés semblaient vouloir se regrouper et profiter de l’avantage de leur terrain.
Les sangliers, de leur côté, restèrent sur la plaine. Leur chef grogna bruyamment, mais il ne donna pas l’ordre de poursuivre. La douleur visible dans sa démarche expliquait peut-être cette retenue.
Ryven soupira, essuyant la sueur qui perlait sur son front.
— Pas bon… Pas bon du tout…
Ryven s’éloigna un peu de son poste d’observation, s’appuyant contre la paroi rocheuse pour reprendre son souffle. Ses yeux scrutèrent un instant la cascade et la forêt environnante. Sa tête bourdonnait de pensées désordonnées, mais une seule chose restait claire : il devait agir vite, car rester immobile ne ferait qu’aggraver sa situation.
Il ferma les yeux et posa ses mains sur sa poitrine, essayant de ressentir l’énergie sombre qui pulsait doucement dans son second noyau. C’était une sensation familière maintenant, presque réconfortante, mais son contrôle sur cette énergie restait un mystère.
Il visualisa un canon, une arme capable de canaliser cette énergie destructrice pour éliminer le boss sans qu’il ait à s’exposer directement. Concentrant toute sa volonté, il ouvrit les paumes de ses mains. Une flamme noire apparut, instable et vacillante, comme une ombre qui dansait au gré d’un vent invisible.
— Allez, murmura-t-il. Fais ce que je veux !
Il se concentra, forgeant mentalement une forme concrète. Lentement, l’énergie sembla répondre à ses désirs, se rassemblant en une forme allongée. Mais juste au moment où elle prenait une structure stable, elle éclata dans une violente onde de choc.
— Argh !
Ryven fut projeté en arrière, son dos heurtant durement la paroi rocheuse. Il grogna de douleur, portant une main à sa tête.
— C’est pas vrai… Pourquoi ça ne marche jamais ?
Il examina ses mains tremblantes, la frustration montant en lui. Cette énergie était là, puissante, prête à répondre à ses désirs… mais elle semblait se rebeller à chaque tentative.
— C’est comme si elle se moquait de moi, lâcha-t-il, furieux.
Il serra les poings, respirant profondément pour calmer ses pensées. Ce n’était pas le moment de perdre son sang-froid. Il devait trouver une solution.
Son regard se tourna à nouveau vers la cascade et la plaine en contrebas. Une idée folle lui traversa l’esprit.
— Peut-être que…
Ryven resta immobile un moment, les yeux rivés sur la cascade. La chute d’eau semblait presque hypnotique, une danse incessante de lumière et de mouvement. Mais derrière sa beauté apparente, il voyait une opportunité – ou plutôt une mission suicidaire déguisée en plan rationnel.
— Si je veux avoir une chance de m’en sortir, il va falloir que je prenne des risques… des gros risques, murmura-t-il.
Il inspira profondément, ses doigts crispés contre ses genoux, cherchant à calmer la tempête qui faisait rage dans son esprit. Son regard glissa sur le sanglier alpha qui restait dans la plaine. Même à cette distance, la créature semblait invincible, un monstre de muscles et de rage.
Ryven ferma les yeux et essaya d’imaginer. Il visualisa une lame fine, presque invisible, formée par l’énergie des ténèbres. Il se vit la brandir en plongeant depuis le sommet de la cascade, une attaque unique, précise, décisive.
Mais à chaque détail qu’il ajoutait à son plan, un doute surgissait.
— Et si la lame ne coupe pas assez profond ? se demanda-t-il à haute voix. Ou si je rate ? Ou si je ne peux pas créer le coussin d’ombre à temps ?
Les scénarios d’échec se multipliaient dans son esprit, chacun plus sinistre que le précédent. La chute seule pourrait suffire à le tuer, sans parler de ce qui arriverait s’il ratait sa cible et se retrouvait face au sanglier, vulnérable.
Il passa une main sur son visage, sentant la sueur perler sur son front malgré l’ombre des arbres.
— C’est complètement fou.
Il se leva lentement, fixant la cascade comme si elle allait lui répondre. Il essaya de rationaliser son plan.
— Les sangliers sont trop forts pour moi. Si j’essaie un combat direct, je suis mort. Et je ne peux pas attendre que les singes reviennent. Ils ne m’aideront pas, et je ne veux pas risquer de les voir se retourner contre moi.
Il fit quelques pas en arrière, scrutant la plaine. Les sangliers s’étaient dispersés, reniflant le sol à la recherche de racines ou de petits animaux, mais l’alpha restait au centre, immobile, comme un roi surveillant son royaume.
Ryven se mordit la lèvre inférieure. Il avait encore une question à résoudre avant de tenter quoi que ce soit : il devait confirmer que le sanglier alpha était bien le boss. S’il se trompait, son plan n’aurait servi à rien.
Mais comment être sûr
— Avant ça… je dois vérifier les singes.
Il savait que cette étape était cruciale. S’ils attaquaient leur dominant, cela prouverait qu’il n’était pas le boss. Mais s’ils restaient passifs, il n’aurait plus de doute.
Ryven respira profondément et jeta un dernier coup d’œil à la plaine. Les sangliers étaient toujours occupés à fouiller le sol.
— Bon. Allons-y, murmura-t-il.
Il tourna les talons et se dirigea vers la forêt, ses pas légers et silencieux sur le sol jonché de feuilles mortes. Mais alors qu’il avançait, une autre pensée lui traversa l’esprit.
— Si ce plan échoue…
Il s’arrêta un instant, fermant les yeux. Les images d’échec revenaient, plus vives que jamais : sa chute, les défenses acérées du sanglier, ou pire encore, le moment où il se retrouverait impuissant face à la bête.
— Non, arrête, se dit-il à voix haute. Si tu commences à douter maintenant, tu ne feras jamais rien.
Il serra les poings, rassemblant tout son courage.
— Je vais le faire. Je n’ai pas le choix.
Avec cette pensée comme bouclier, il reprit sa route vers la forêt, chaque pas le rapprochant un peu plus de la confrontation qu’il redoutait.
Les ombres épaisses de la forêt apportèrent une fraîcheur bienvenue après la lumière écrasante de la plaine.Ryven avançait avec prudence, ses bottes écrasant silencieusement les feuilles mortes et la mousse qui tapissaient le sol. La forêt autour de lui semblait vivante, bruissante de sons discrets : le craquement des branches, le bruissement des feuilles, et parfois des cris étouffés au loin. Chaque bruit faisait bondir son cœur, mais il continuait d’avancer, ses yeux scrutant chaque recoin à la recherche des singes capés.
Il ne tarda pas à repérer leur groupe principal. Ils s’étaient rassemblés dans une clairière baignée de lumière, une trouée dans la canopée laissant passer des rayons de soleil qui éclairaient les mouvements des créatures. Le dominant des singes capés, un mastodonte avec un pelage strié de rouge, se tenait sur une branche basse, émettant des grognements graves.
Ryven s’accroupit derrière un buisson épais, prenant soin de rester caché. Son regard passa rapidement du dominant aux autres singes.
Ce qui attira immédiatement son attention, c’était leur comportement inhabituel. Les singes capés, bien qu’épuisés et blessés, semblaient… tendus. Certains grognaient en montrant les dents, se toisant d’un regard hostile. D’autres s’échangeaient des coups rapides, griffant et mordant leurs rivaux. L’un d’eux, plus grand que les autres, bondit soudainement sur un congénère pour le renverser au sol dans un cri strident.
Ryven fronça les sourcils.
— Ils se battent entre eux ?
Son regard revint sur le dominant. Malgré sa taille imposante et sa posture dominante, il semblait déstabilisé. Ses mouvements étaient nerveux, et son regard passait rapidement d’un rival potentiel à un autre.
Ryven plissa les yeux, essayant de se rappeler ses leçons sur le comportement des créatures dans les portails.
— Les singes capés… Ils défient leur chef quand celui-ci montre des signes de faiblesse. Mais… ils ne feraient jamais ça si leur dominant était le boss.
Il se mordit l’intérieur de la joue, réfléchissant rapidement. Si le dominant actuel était le boss du donjon, les autres singes n’auraient jamais osé le défier. Leur instinct, influencé par la structure magique du portail, les empêcherait de s’en prendre à lui. Mais là…
— Ils se battent pour la place de dominant. Ça veut dire que leur chef actuel n’est pas le boss.
Un mélange de soulagement et de tension envahit Ryven. Cette observation confirmait sa théorie.
— Donc c’est vraiment lui…
Son cœur s’alourdit à cette pensée. S’il avait espéré que les singes capés seraient les véritables maîtres du donjon, leur comportement venait de balayer cette hypothèse. Le sanglier alpha était désormais sa cible, et cette révélation n’avait rien de rassurant.
Il continua d’observer encore un moment, notant les détails de leurs interactions. Les défis entre les singes capés devenaient de plus en plus violents, et Ryven comprit qu’il n’avait plus rien à apprendre en restant là.
Il recula lentement, prenant soin de ne pas attirer leur attention. Une branche craqua sous son pied, et il s’immobilisa immédiatement. Les grognements des singes s’intensifièrent un instant, mais ils ne semblaient pas l’avoir repéré.
Lorsqu’il fut assez loin, il se redressa et tourna son regard vers la cascade au loin.
Le rugissement constant de l’eau semblait l’appeler, un rappel de ce qu’il devait faire ensuite. Ryven inspira profondément, serrant les poings.
— C’est maintenant ou jamais20Please respect copyright.PENANAZPiu0J3gb3