La porte massive pivota lentement sur ses gonds, dégageant un souffle chargé de mystère. Ryven entra, précédé de sa propre appréhension et suivi de près par Lirina et Dalven. Ses pas, pourtant discrets, résonnaient dans l’immense salle comme un écho d’incertitude.
La pièce semblait plus grande que tout ce qu’il avait imaginé. Ses murs étaient recouverts de fresques anciennes, représentant des scènes mythologiques : des éveillés affrontant des créatures monstrueuses émergeant de portails, des héros gravissant des montagnes de flammes, et des batailles colossales où la magie déchirait le ciel.
Mais ce fut la table monumentale, trônant au centre de la pièce, qui attira immédiatement l’attention de Ryven. Sculptée dans un bois sombre veiné d’or, elle semblait presque vivante, vibrant doucement au rythme des cristaux de mana qui l’ornaient. Chaque pierre scintillait faiblement, projetant sur les murs des reflets dansants qui amplifiaient l’atmosphère déjà solennelle de la pièce.
Ryven avala difficilement sa salive.
— Combien cette table peut-elle valoir ? pensa-t-il brièvement, cherchant une distraction à son angoisse.
Cependant, avant même qu’il ne puisse lever les yeux pour observer les personnes présentes, une force invisible s’abattit sur la salle.
Une aura écrasante emplit l’air en un instant, comme si une présence gigantesque s’était éveillée. L’atmosphère devint lourde, presque suffocante, et Ryven sentit chaque fibre de son corps protester.
Il chancela, pris d’un vertige soudain, ses jambes tremblant sous la pression. Il peinait à respirer, son souffle se réduisant à des halètements courts et saccadés.
— Dalven, reste derrière moi ! ordonna Lirina, tendant la main pour invoquer une lame flamboyante.
Sa voix, forte et assurée, masquait à peine la tension dans son regard. Elle se plaça devant son mari et son neveu, son corps tendu comme une corde prête à se rompre.
— Qui ose projeter une telle aura ici ? Montrez-vous ! cria-t-elle, son regard parcourant la salle à la recherche de la source de cette oppression.
Ryven, lui, se tenait immobile. Chaque mouvement semblait impossible, comme si son corps tout entier était pris dans une gangue invisible. Juste au moment où ses jambes allaient céder, une chaleur douce et réconfortante envahit soudain son épaule gauche.
Il tourna lentement la tête et vit un oiseau majestueux perché sur lui.
— Un... phénix ? balbutia-t-il, sa voix à peine audible.
L’oiseau était une merveille de la nature. Ses plumes scintillaient d’or et d’écarlate, projetant une lumière apaisante qui semblait repousser les ténèbres environnantes. Avec un cri mélodieux, le phénix fit s’évanouir l’aura écrasante, laissant la pièce baignée d’une lumière douce et réconfortante.
Ryven sentit ses muscles se détendre. Sa respiration redevint régulière, et le poids qu’il portait sembla s’évaporer.
Lirina, bien qu’elle baissa légèrement son arme, resta sur ses gardes, observant la créature avec une méfiance mêlée de fascination.
— Ce n’est pas un phénix ordinaire… murmura-t-elle, son regard fixé sur l’oiseau.
Elle s’avança légèrement, tendant la main vers lui comme pour confirmer ses soupçons.
— Ce phénix est d’un rang que je n’ai vu qu’une seule fois dans ma vie… C’est un familier de rang Mythique.
Ryven, encore sous le choc, fixa l’oiseau, incapable de détourner les yeux.
— Pourquoi… pourquoi est-il ici ? demanda-t-il, plus à lui-même qu’à sa tante.
Avant qu’elle ne puisse répondre, des pas lourds résonnèrent dans la salle.
Un homme imposant, vêtu d’une tunique noire sobre mais élégante, s’avança lentement depuis l’extrémité de la table. Sa démarche était calme, mais chaque pas semblait imprégner l’air d’une puissance invisible.
Ryven leva les yeux pour le voir approcher. Cet homme dégageait une présence presque surnaturelle. Il était grand, solidement bâti, et ses cheveux noirs encadraient un visage jeune mais marqué par l’expérience. Son regard perçant semblait sonder chaque recoin de l’âme de Ryven.
Il tendit un bras vers le phénix, qui s’éleva gracieusement avant de se poser sur son avant-bras.
— Phyros a l’œil pour repérer les gens… intéressants, déclara-t-il avec un sourire amusé.
Il caressa doucement le plumage incandescent de l’oiseau avant de lever les yeux vers Ryven.
— Je suis Caelmar, directeur de l’Agence des Éveillés, dit-il simplement.
Ryven sentit son cœur s’emballer. Ce nom, il l’avait entendu maintes fois dans les récits des éveillés. Caelmar, le légendaire chasseur de portails, connu pour avoir scellé seul une anomalie de rang S et pour ses capacités de combat extraordinaires.
— Vous êtes… le Caelmar ? murmura-t-il, incrédule.
Caelmar éclata de rire, un rire franc et chaleureux qui résonna dans la salle.
— En chair et en os. Et toi, tu es Ryven Aelris. Crois-moi, on parle beaucoup de toi ces derniers temps.
Avant que Ryven ne puisse répondre, un mouvement attira son attention au bout de la table. Trois figures se levèrent simultanément, et une aura de majesté imprégna la pièce.
Le roi de Myren, grand et imposant, s’avança lentement, son regard intense fixé sur Ryven. Son manteau royal, orné de fils d’or, traînait légèrement sur le sol, ajoutant à sa prestance.
À ses côtés se tenait la reine Lyssandra, dont les traits délicats et la posture droite dégageaient une élégance tranquille. Derrière eux, le prince Alistair et la princesse Mirena observaient silencieusement, leurs regards mesurant chaque détail.
Ryven sentit un poids supplémentaire peser sur lui alors qu’il s’agenouillait instinctivement, suivi de Lirina, Dalven et même Caelmar.
— Relevez-vous, déclara le roi d’une voix grave mais bienveillante.
Ryven obéit, bien qu’il sentît toujours ses jambes trembler légèrement.
Le roi se tourna directement vers lui, son regard perçant ne le quittant pas.
— Ryven Aelris, nous vous devons des excuses, dit-il avec une solennité palpable.
Ryven cligna des yeux, pris au dépourvu.
— M-Majesté… Je… je ne comprends pas. Pourquoi vous excuseriez-vous auprès de moi ?
Le roi échangea un regard avec la reine avant de répondre.
— Parce que nous n’avons pas su te protéger. Ce que tu as traversé dans cette anomalie dépasse tout ce qu’un jeune garçon devrait affronter seul.
Lyssandra, d’une voix douce mais ferme, ajouta :
— Ce royaume a échoué, Ryven. Mais nous sommes ici pour réparer cette erreur.
Ryven baissa la tête, mal à l’aise sous leurs regards.
— Je ne suis personne d’important… murmura-t-il.
Ce fut la princesse Mirena qui prit la parole cette fois, son ton calme mais chargé de conviction.
— Si tu étais insignifiant, crois-tu que nous serions ici ?
Le prince Alistair, bien que plus méfiant, observa Ryven avec intensité.
— Père, mère, nous avons besoin de comprendre ce qui s’est réellement passé. Ce garçon n’est pas ordinaire.
Caelmar hocha la tête.
— En effet. Ryven, raconte-nous tout. Ne cache rien.
Sous la pression de tous les regards, Ryven sentit ses mains trembler légèrement. Il inspira profondément et commença à parler, hésitant d’abord, mais trouvant peu à peu la force de raconter son histoire.
Ryven sentit tous les regards braqués sur lui, leur intensité presque palpable. Le roi, la reine, Caelmar, et même les deux enfants royaux attendaient une réponse. L’atmosphère pesante de la salle semblait rétrécir autour de lui. Il baissa brièvement les yeux, cherchant ses mots, avant de lever timidement la tête.
— Je... Je vais essayer de tout raconter, mais... je ne sais pas si ce que je vais dire a du sens, murmura-t-il, la voix tremblante.
Lirina, assise à côté de lui, posa une main rassurante sur son épaule.
— Prends ton temps, Ryven, dit-elle doucement.
Il inspira profondément, tentant de calmer les battements frénétiques de son cœur.
— Tout a commencé dans les toilettes abandonnées de l’académie, reprit-il lentement.
Il décrivit les tremblements soudains, le miroir qui se fissurait sans se briser, et cette lumière aveuglante qui l’avait transporté ailleurs.
— C’était... un autre endroit. Complètement différent de tout ce que j’ai connu. Le ciel était rouge, le sol noir comme du charbon, et l’air... l’air était si lourd. On aurait dit que chaque respiration me brûlait la gorge.
Le prince Alistair fronça les sourcils.
— Et tu étais seul ? demanda-t-il, son ton incrédule.
Ryven hocha lentement la tête.
— Oui, seul... mais pas pour longtemps.
Les souvenirs de ce moment resurgirent avec une vivacité troublante.
— Il y avait une silhouette. Une... une chose gigantesque, enveloppée dans des ombres. Elle était si grande que je ne pouvais même pas en voir les limites. Quand elle s’est approchée, j’ai cru que mon cœur allait s’arrêter.
— Une créature ? demanda Caelmar, ses yeux se plissant légèrement.
Ryven hésita, son regard cherchant un point d’ancrage sur la table devant lui.
— Ce n’était pas une créature. Enfin, pas comme celles qu’on étudie en cours. C’était... différent. Comme si elle n’appartenait pas à ce monde.
Le roi échangea un regard inquiet avec la reine, mais aucun d’eux n’intervint, laissant Ryven poursuivre.
— Elle m’a parlé, reprit-il, sa voix plus faible.
Cette révélation provoqua un léger murmure dans la salle.
— Elle t’a parlé ? interrogea la princesse Mirena, intriguée.
— Oui, répondit Ryven. Mais ses mots étaient... étranges. Comme si elle utilisait une langue que je ne comprenais pas vraiment, mais que je pouvais ressentir.
Il s’arrêta, ses poings se resserrant sur ses genoux.
— Elle... elle m’a appelé un titre. Quelque chose... mais je ne m’en souviens pas exactement.
Il mentait. Il savait pertinemment que la créature l’avait appelé "le Libérateur". Mais l’idée de partager cette information le terrifiait.
— Et ensuite ? demanda Caelmar, sa voix calme mais autoritaire.
— Ensuite, une sorte d’énergie noire est apparue autour de moi. C’était comme si elle essayait de m’avaler. Mais au lieu de ça... je l’ai absorbée.
Un silence pesant s’installa dans la pièce.
— Tu l’as absorbée ? répéta le prince Alistair, sceptique.
— Oui, murmura Ryven. Je ne sais pas comment... mais ça s’est passé.
— Et après ? insista le roi, son ton légèrement plus pressant.
— Je me suis réveillé dans les toilettes de l’académie. Comme si rien ne s’était passé... mais je savais que tout avait changé.
La salle resta silencieuse pendant un long moment. Le poids de ce qu’il venait de raconter semblait avoir laissé tout le monde sans voix. Finalement, ce fut Caelmar qui rompit le silence, croisant les bras.
— Fascinant, dit-il, presque pour lui-même.
Il se pencha légèrement en avant, son regard perçant fixé sur Ryven.
— Cette énergie noire, peux-tu encore la sentir ?
Ryven hésita avant de répondre.
— Oui... enfin, pas toujours. Elle est là, quelque part en moi, mais elle ne se manifeste que... dans des moments particuliers.
— Comme dans l’arène ? intervint la princesse Mirena, son regard curieux mais calculateur.
Ryven rougit légèrement, hochant la tête.
— Oui... c’était comme si elle répondait à ma colère ou... ou à ma peur.
Caelmar posa un doigt sur son menton, réfléchissant profondément.
— Une énergie qui répond à des émotions ? Voilà qui est intéressant... et dangereux, ajouta-t-il, plus bas.
Lirina, qui était restée silencieuse jusque-là, se redressa brusquement.
— Cela suffit ! cria-t-elle, sa voix tranchante brisant la tension.
Tous les regards se tournèrent vers elle.
— Mon neveu n’est pas un cobaye ! Vous n’avez pas le droit de le traiter comme une expérience.
— Lirina, ce n’est pas ce que nous faisons, répondit calmement le roi, levant une main pour apaiser la situation.
— Alors qu’est-ce que c’est ? rétorqua-t-elle. Vous l’accablez de questions alors qu’il n’a que quinze ans !
— Parce que ce qu’il porte pourrait changer l’équilibre de notre monde, répondit Caelmar, sa voix plus grave.
Ryven, pris entre ces échanges, se sentit encore plus petit qu’il ne l’était déjà.
— Je ne veux rien changer... Je veux juste... être normal, murmura-t-il.
Ses mots attirèrent immédiatement l’attention de la reine, qui posa un regard compatissant sur lui.
— Ryven, dit-elle doucement, il est parfois impossible de rester normal quand on est destiné à accomplir quelque chose de grand.
Le roi hocha lentement la tête, prenant la parole avec gravité.
— Ryven Aelris, nous avons pris une décision.
Le silence tomba à nouveau, tous attendant ses mots.
— Tu intégreras l’Académie des Éveillés lors de la prochaine rentrée. Cependant, afin de te préparer et de mieux comprendre cette énergie qui t’habite, tu passeras deux trimestres au centre d’entraînement de l’Agence.
Ryven sentit son cœur bondir.
— Deux trimestres ? murmura-t-il, incertain.
Caelmar intervint, son ton légèrement plus léger.
— C’est nécessaire. Cela te permettra de t’adapter à tes pouvoirs et de combler l’écart avec les autres élèves. Crois-moi, c’est pour ton bien.
Le roi ajouta :
— Et ce médaillon, continua-t-il en désignant un artefact en or orné d’un cristal de mana, te permettra de rester en contact avec ta famille.
Le regard de Ryven vacilla entre le médaillon, Caelmar, et la famille royale. Son avenir semblait désormais se dessiner devant lui, mais la route était plus incertaine que jamais.
— Prépare-toi, Ryven, conclut Caelmar avec un sourire énigmatique. Ton véritable voyage ne fait que commencer.
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