Ryven, encore essoufflé par son combat précédent et son retour dans le monde réel, lança un regard curieux à Caelmar.
— Alors ? demanda-t-il en rassemblant son courage. Quelle est la prochaine étape ? Où allons-nous ?
Caelmar éclata de rire, un rire franc et chaleureux, mais qui avait quelque chose de déconcertant.
— Où allons-nous ? Mon garçon, tu n’as pas compris. Nous y sommes déjà. Ce terrain vide sera ton camp d’entraînement pour les deux prochains trimestres. Regarde le bon côté des choses : au moins, tu as tout l’espace nécessaire pour toi tout seul. Et la solitude aide à se concentrer, crois-moi.
Ryven resta figé un instant. Il fixa le sol aride, puis le regarda de nouveau. Ce lieu lui semblait tout sauf approprié pour un entraînement intensif. Pas de bâtiments, pas de cibles, aucun signe d’une infrastructure d’entraînement. Ce n’était qu’un champ vide, balayé par un vent froid. La désillusion se lisait sur son visage.
— Tout seul ? Vraiment ? lâcha-t-il, incapable de cacher sa déception. Et qu’est-ce que je suis censé faire ici ?
Caelmar lui adressa un sourire énigmatique.
— Travailler. Travailler dur, garçon. C’est tout ce que tu as à faire.
Il claqua des doigts, et dans une explosion lumineuse, plusieurs équipements apparurent devant eux. Des haltères, des barres, des sacs de sable, et même une structure rudimentaire pour faire des tractions et des pompes. Ryven regarda la pile d’équipements avec des yeux ronds.
— C’est quoi ça ? demanda-t-il en pointant le matériel.
— Ton équipement d’entraînement, répondit Caelmar en croisant les bras. Et pour répondre à ta question avant que tu ne la poses : oui, ils viennent de mon sous-espace.
Ryven écarquilla les yeux. Un sous-espace ? Il savait que ces artefacts existaient, mais ils étaient si rares qu’en posséder un était synonyme de richesse et de statut.
— Un sous-espace ? balbutia-t-il. Vous avez un sous-espace ? Mais… c’est extrêmement cher ! Je veux dire… au moins cinquante mille pièces d’or !
— Et ? répondit Caelmar, amusé. Je suis directeur de l’Agence, tu te rappelles ? Mais assez parlé. Voyons ton programme.
Ryven sentit un frisson parcourir son échine. Il n’aimait pas du tout la manière dont Caelmar avait dit ça.
— Pour commencer, tu feras cinquante tours de ce terrain chaque matin, déclara-t-il en désignant l’étendue autour d’eux. Et oui, avant que tu ne demandes, le terrain fait environ deux terrains de football.
Ryven sentit son cœur se serrer. Cinquante tours ?
— Ensuite, deux heures d’entraînement musculaire. Minimum. Tu peux utiliser tout ce matériel ici.
Ryven ouvrit la bouche pour protester, mais Caelmar l’interrompit d’un geste.
— Je n’ai pas fini. Après ça, deux heures de méditation. Il faut renforcer ton noyau de mana principal. C’est ta fondation, Ryven. Si ton noyau est faible, tout le reste le sera aussi.
— Et… c’est tout ? demanda Ryven, espérant que le calvaire s’arrêterait là.
Caelmar lui offrit un sourire qui ne présageait rien de bon.
— Pas tout à fait. Après ça, on passera aux choses sérieuses : deux heures d’entraînement à l’utilisation de ton mana et deux heures de combat. Avec moi.
Ryven déglutit. Les combats avec Caelmar ? L’homme qui avait une réputation légendaire ?
— Toute cette routine… chaque jour ? murmura Ryven.
— Chaque jour, confirma Caelmar avec un sourire. Bienvenue dans ton nouveau quotidien.
Le lendemain matin, Ryven fut tiré de son sommeil par un rugissement tonitruant. La voix de Caelmar, puissante et inébranlable, semblait secouer l’air autour du camp.
— Allez, Aelris, debout ! Ce n’est pas en dormant que tu deviendras un véritable éveillé !
Ryven grogna, enfouissant son visage dans son oreiller de fortune, mais la voix insistante de Caelmar lui rappelait qu’il n’avait pas le choix. En traînant les pieds, il sortit de la tente, ses muscles encore endoloris par la fatigue de la veille.
— Vous êtes toujours aussi bruyant ? marmonna-t-il, en frottant ses yeux.
Caelmar éclata de rire, pointant le terrain dégagé devant eux.
— Si tu trouves ma voix bruyante, gamin, attends de voir ce que ton corps va endurer aujourd’hui !
Ryven soupira, passant une main dans ses cheveux ébouriffés. Il savait que ce premier jour serait une épreuve, mais il ne s’attendait pas à ce que cela commence si tôt.
— Tu as déjà vu le matériel, non ? annonça Caelmar en désignant les équipements de musculation qu’il avait sortis la veille de son sous-espace. Maintenant, tu vas apprendre ce qu’ils valent vraiment.
Il claqua dans ses mains, l’air enthousiaste.
— Cinquante tours du terrain pour commencer !
Ryven sentit une boule se former dans son estomac en observant le terrain. Chaque tour représentait presque deux terrains de football, et il devait en faire cinquante.
— Cinquante… ? Vous êtes sûr que ce n’est pas une blague ? demanda-t-il, incrédule.
Caelmar haussa un sourcil, croisant les bras.
— Je suis très sérieux. Maintenant, en piste.
À contrecœur, Ryven se mit à courir. Les premiers tours furent relativement faciles ; il se concentra sur sa respiration et tenta d’adopter un rythme constant. Mais au bout de quinze tours, ses jambes commencèrent à se plaindre. À trente tours, ses poumons semblaient sur le point d’exploser.
Caelmar, debout sur le côté, l’observait en sirotant calmement une tasse de thé.
— Allez, gamin ! Tu t’essouffles déjà ? Tu n’as pas encore vu le pire ! lança-t-il, sa voix débordant d’une moquerie presque amicale.
Ryven serra les dents, ses poings se crispant. Il voulait prouver qu’il était capable de tenir, même si chaque pas devenait de plus en plus douloureux.
Quand il termina enfin le cinquantième tour, il s’écroula sur le sol, haletant, son corps tremblant violemment sous l’effort.
— Bien, première étape terminée, annonça Caelmar avec un sourire. Maintenant, passons à la musculation.
Ryven leva la tête, les yeux écarquillés.
— Vous êtes sérieux ? réussit-il à articuler, sa voix brisée par l’épuisement.
Caelmar hocha la tête, affichant un sourire amusé.
— Très sérieux, répondit-il. Si tu veux devenir un vrai éveillé, il va falloir te forger un corps d’acier.
Ryven grogna en se relevant avec difficulté. Il se traîna jusqu’aux haltères, lançant un regard désespéré à l’équipement.
— Si je meurs ici, j’espère que vous aurez au moins la décence de prévenir ma tante, marmonna-t-il avant de commencer son entraînement musculaire.
Les deux heures qui suivirent furent une véritable torture. Ses bras, ses jambes, son dos… chaque muscle de son corps semblait protester contre l’effort. Mais Ryven persévéra, motivé autant par la détermination que par la peur d’être jugé par Caelmar.
Enfin, la séance de musculation prit fin, et Ryven s’assit lourdement au sol, ses vêtements trempés de sueur.
— Maintenant, la méditation, déclara Caelmar en s’approchant de lui.
Ryven gémit, mais il s’assit en tailleur, fermant les yeux pour tenter de se concentrer sur son noyau.
— Respire, visualise ton noyau, lui conseilla Caelmar. Laisse ton mana circuler naturellement.
Ryven inspira profondément, essayant de canaliser son énergie. Une faible lueur apparut entre ses mains, mais elle vacilla rapidement avant de disparaître.
— Ce n’est pas suffisant, grogna Ryven, frustré.
Caelmar posa une main rassurante sur son épaule.
— Rome ne s’est pas construite en un jour, gamin. Donne-toi du temps.
Lorsque le soleil se coucha, Ryven s’effondra près du feu de camp, son corps totalement épuisé par cette première journée d’entraînement. Caelmar, assis de l’autre côté des flammes, l’observait avec un sourire amusé.
— Bien joué, gamin, dit-il en tendant une gourde à Ryven.
Ryven but avidement, l’eau fraîche lui apportant un soulagement bienvenu.
— Vous appelez ça "bien joué" ? demanda-t-il en reprenant son souffle. Je suis à moitié mort.
Caelmar haussa les épaules.
— Tu es toujours debout, non ? C’est ça qui compte.
Ils restèrent silencieux un moment, profitant de la chaleur des flammes et du calme de la soirée. Le crépitement des flammes et le bruissement lointain du vent donnaient presque une ambiance apaisante, en contraste total avec la dure journée qu’ils avaient vécue.
— Parlez-moi des portails, finit par demander Ryven, brisant le silence.
Caelmar haussa un sourcil, intrigué.
— Des portails ? Qu’est-ce que tu veux savoir ?
— Tout, répondit Ryven. Leur origine, ce qu’il y a vraiment dedans…
Caelmar sourit légèrement, se penchant en arrière pour contempler les étoiles.
— Les portails sont des mystères, avoua-t-il. Même les plus grands chercheurs n’en connaissent pas l’origine. Ce que je sais, c’est qu’ils sont dangereux et imprévisibles.
Ryven se recroquevilla légèrement, ses pensées dérivant vers le portail qu’il avait traversé récemment.
— J’ai vu une pierre noire, dit-il d’une voix hésitante. Elle était entourée d’une brume étrange. Quand je l’ai touchée, quelque chose… a changé.
Caelmar tourna lentement la tête vers lui, son expression devenant sérieuse.
— Une pierre noire ? répéta-t-il.
Ryven hocha la tête, mais il garda pour lui l’existence de son second noyau.
— Elle semblait vivante, murmura-t-il.
Caelmar resta pensif un moment avant de croiser les bras.
— J’ai vu beaucoup de choses étranges dans ma carrière, mais ça… ça ne me dit rien, admit-il.
Ryven hésitait à continuer. Devait-il partager davantage ? Mais avant qu’il puisse se décider, Caelmar changea légèrement de ton, devenant plus direct.
— Gamin, si cette pierre t’a affecté comme tu le dis, il est important de vérifier ton flux de mana.
Ryven sursauta, ses yeux s’élargissant.
— Quoi ? Non… ce n’est pas nécessaire ! protesta-t-il vivement.
Caelmar le fixa, son regard perçant.
— Ce n’était pas une question, Ryven. Si cette pierre a réellement fait quelque chose à ton corps, tu ne peux pas te permettre de l’ignorer. Installe-toi en tailleur. Maintenant.
La fermeté de sa voix ne laissait aucune place à la discussion. À contrecœur, Ryven s’assit en tailleur, croisant les bras avec une moue boudeuse.
— Bien. Maintenant, ferme les yeux et concentre-toi sur ton noyau, ordonna Caelmar en s’agenouillant devant lui.
Ryven sentit une vague de mana émaner de Caelmar, douce mais incroyablement puissante. Cette énergie enveloppa son corps, et il sentit un léger picotement parcourir ses veines.
— Relaxe-toi, dit doucement Caelmar. Je vais simplement faire circuler ton mana pour analyser ton flux.
Ryven prit une profonde inspiration, essayant de calmer l’angoisse qui grandissait en lui. Il craignait que Caelmar ne découvre son second noyau, ce qu’il voulait absolument éviter.
Caelmar posa ses mains à quelques centimètres des épaules de Ryven, sans le toucher. Une lueur dorée émana de ses paumes, pénétrant doucement le corps de Ryven.
— Hmm… murmura Caelmar après un long moment.
Ryven sentit son cœur s’accélérer.
— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il nerveusement.
Caelmar resta silencieux un instant avant de retirer ses mains, un léger sourire sur les lèvres.
— Ton noyau principal est faible. Pas étonnant que ton flux de mana soit si désordonné, déclara-t-il enfin.
Ryven baissa les yeux, honteux.
— Mais ce n’est pas irréparable, continua Caelmar. Avec un entraînement constant, tu pourras le renforcer. Je te suggère de refaire cet exercice une fois par semaine. Ça permettra de surveiller l’évolution de ton noyau et la santé de tes circuits de mana.
Ryven hocha la tête, soulagé que Caelmar n’ait rien mentionné concernant son second noyau. Peut-être que celui-ci était caché, ou peut-être que Caelmar ne pouvait tout simplement pas le percevoir. Quoi qu’il en soit, Ryven préférait ne pas creuser davantage le sujet.
— Bien, conclut Caelmar en se redressant. Maintenant, repose-toi. Demain, nous avons une autre journée chargée qui nous attend.
Ryven le regarda s’éloigner avant de soupirer profondément. Ses pensées étaient encore agitées, mais il sentait que, petit à petit, il avançait.
Cette nuit-là, Ryven s’effondra de fatigue sur son lit de fortune, espérant une nuit de sommeil paisible. Mais quelque chose le réveilla au milieu de la nuit.
Une présence.
Elle n’était pas physique. Elle n’avait pas de forme tangible. Mais elle était là, flottant dans l’air, douce et réconfortante. Ryven ouvrit les yeux et sentit immédiatement une chaleur étrange l’envahir. Ce n’était pas une chaleur oppressante, mais une caresse bienveillante, presque maternelle.
Il se redressa lentement, les yeux fixant l’obscurité autour de lui. Et c’est là qu’il la vit.
Une silhouette floue, formée de couleurs tourbillonnantes. Elle semblait irréelle, presque éthérée, mais deux teintes dominaient : une lumière douce, tamisée, et une ombre élégante, mystérieusement apaisante.
Ryven resta figé, incapable de bouger ou de parler. La présence n’était pas effrayante. Au contraire, elle dégageait une sérénité qui calmait instantanément ses pensées troublées.
Puis, soudainement, une voix résonna dans son esprit. Pas une voix qu’il entendait, mais une sensation, un murmure au plus profond de son être.
« Avance. Tu n’es pas seul. »
La silhouette disparut aussi soudainement qu’elle était apparue, laissant Ryven seul sous les étoiles. Le cœur battant, il porta instinctivement une main à sa poitrine, sentant ses deux noyaux pulser doucement, en parfaite harmonie.
Il resta assis un moment, fixant le ciel infini. Cette présence… Elle lui rappelait quelque chose. Quelque chose qu’il avait ressenti lors de son éveil, mais qu’il ne pouvait expliquer.
— Qu’est-ce que ça signifie ? murmura-t-il.
Mais il n’obtint aucune réponse, et il finit par se rallonger, l’esprit troublé, mais étrangement apaisé.
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