Le portail s’ouvrit dans une explosion silencieuse de lumière, baignant Ryven et Caelmar dans une lueur inquiétante. En franchissant le seuil, Ryven sentit immédiatement une pression écrasante s’abattre sur son corps. L’air, lourd et chargé de mana, semblait presque s’infiltrer dans ses poumons, le rendant difficile à respirer.
Devant eux, s’étendait une forêt gigantesque, mais bien différente de tout ce que Ryven avait pu imaginer. Les arbres, aux troncs tordus et déformés, s’élançaient vers le ciel avec une majesté sinistre. Leur écorce était marquée de runes anciennes, irradiant une lumière verte spectrale qui pulsait faiblement comme un souffle. La mousse au sol réagissait à chaque pas, libérant des volutes de mana luminescent qui s’élevaient lentement avant de disparaître. Une ambiance oppressante régnait, amplifiée par les murmures indistincts qui semblaient provenir de partout et de nulle part à la fois.
Ryven fronça les sourcils. Depuis qu’il avait franchi le portail, son noyau vibrait étrangement, comme s’il répondait à un appel. Une chaleur inquiétante pulsait dans sa poitrine, mélange de lumière et d’ombre, instable et imprévisible.
— Ce lieu… murmura-t-il, en regardant autour de lui. C’est comme si cette forêt essayait de me parler. Mais je ne comprends rien.
Caelmar, qui avançait calmement devant lui, scrutait les runes gravées sur les arbres avec un regard pensif.
— Ces inscriptions… je ne les reconnais pas entièrement, répondit-il, pensif. Elles appartiennent à une langue ancienne, peut-être même antérieure à l’ère des portails. Mais elles ne sont pas hostiles… pas encore.
Ryven sentit une goutte de sueur glisser le long de sa tempe. Les murmures se firent plus clairs, mais ils restaient incompréhensibles. Il accéléra le pas, se rapprochant de Caelmar, cherchant un semblant de réconfort.
Soudain, le silence de la forêt fut rompu par un craquement sourd. Les troncs d’arbres devant eux semblèrent se tordre et se déchirer, laissant apparaître deux silhouettes humanoïdes. Leurs corps étaient faits d’écorce vivante et de racines animées, et leurs yeux, brillants d’une lumière verte sinistre, semblaient sonder directement l’âme de ceux qui osaient les défier.
Caelmar s’arrêta net et tendit un bras pour bloquer Ryven.
— Ce sont des gardiens, dit-il doucement. Ils ne sont pas là pour nous attaquer. Pas directement, du moins.
Les deux créatures s’avancèrent lentement, leur démarche fluide et menaçante. Elles ne parlaient pas, mais leurs mouvements semblaient communiquer un message clair. Elles bloquaient le chemin, attendant quelque chose.
— Que veulent-elles ? demanda Ryven, la voix tremblante.
Caelmar se tourna vers lui, son expression grave.
— Elles te veulent toi. C’est une épreuve, Ryven. Ton noyau les a attirées, et elles veulent tester si tu es digne de continuer. Je ne peux pas intervenir. C’est ton combat.
Ryven sentit une vague de panique monter en lui. Il inspira profondément, tentant de calmer les battements frénétiques de son cœur.
— Et si je ne suis pas à la hauteur ? murmura-t-il.
— Alors elles nous tueront probablement tous les deux, répondit Caelmar avec un sourire en coin. Mais je ne parierais pas là-dessus.
Les gardiens tendirent leurs bras noueux, et une brume dense jaillit de leurs mains, enveloppant Ryven. En un instant, il se retrouva seul, entouré d’un épais brouillard.
Des formes commencèrent à émerger de la brume. Un serpent géant, composé de mana ténébreux, siffla en s’approchant, ses yeux brillants d’une lumière malveillante. À sa gauche, un faucon immense, irradiant une lumière aveuglante, plongea en piqué, ses cris résonnant comme des jugements.
Ryven comprit immédiatement : ces créatures étaient des manifestations de ses propres peurs et doutes. Le serpent représentait sa peur de perdre le contrôle de son pouvoir, tandis que le faucon incarnait ses doutes sur sa valeur en tant qu’éveillé.
— Très bien, murmura-t-il, les poings serrés. Vous voulez m’effrayer ? Essayez encore.
Le serpent s’élança vers lui, ses crocs étincelants prêts à frapper. Ryven canalisa son mana d’ombre, formant une lame sombre condensée dans sa main. Avec un cri de défi, il trancha le serpent en deux, dissipant sa forme en un nuage de ténèbres.
Mais à peine avait-il repoussé le serpent que le faucon plongea sur lui, ses ailes lumineuses créant une onde de choc qui le projeta en arrière. Ryven grimaça de douleur en se redressant, et cette fois, il utilisa son mana de lumière pour créer une barrière instable, qui parvint à bloquer l’attaque. Le faucon disparut dans un éclat éblouissant.
La brume se dissipa, et Ryven se retrouva de nouveau face aux gardiens. Ils inclinèrent légèrement la tête, comme pour reconnaître son succès, avant de se fondre dans les arbres.
Caelmar apparut, un sourire satisfait sur le visage.
— Pas mal, dit-il simplement.
Après plusieurs minutes de marche dans la forêt oppressante, Ryven et Caelmar atteignirent une clairière baignée par une lumière étrange. L’air y semblait différent, vibrant d’une énergie dense et immuable. Au centre de cet espace dégagé, un autel circulaire imposant se dressait, fait de pierre ancienne marquée de gravures complexes. Les motifs sculptés représentaient les quatre éléments : la fluidité de l’eau, la vivacité du feu, la stabilité de la terre, et la légèreté de l’air. Ces symboles semblaient danser et s’animer légèrement sous la lueur des cristaux qui lévitaient autour de l’autel.
Les quatre cristaux flottants, chacun d’une couleur distincte, pulsaient doucement. Le bleu scintillant de l’eau donnait une impression de fraîcheur apaisante ; le rouge ardent du feu brillait avec une intensité qui semblait réchauffer l’air alentour ; le vert vibrant de la terre irradiait une sensation de solidité rassurante ; et enfin, le jaune éthéré de l’air semblait presque intangible, comme un souffle insaisissable. Au centre, pourtant, se trouvait un cinquième cristal, bien différent. Fissuré et terne, il dégageait une énergie perturbante, instable, qui semblait chercher à envahir l’espace autour de lui. Sa lueur était sombre, presque désespérée, comme si elle portait en elle une menace inconnue.
Ryven approcha lentement, son regard fixé sur l’autel. Il sentait son noyau réagir à l’énergie émise par les cristaux. Une chaleur subtile émanait de sa poitrine, pulsant au rythme des vibrations environnantes.
— Qu’est-ce que c’est ? murmura-t-il, presque hypnotisé par la scène. Sa voix résonnait faiblement dans la clairière silencieuse.
Caelmar, qui avait observé l’autel avec une gravité inhabituelle, finit par répondre, son ton empreint de respect et d’inquiétude.
— C’est un nexus élémentaire, dit-il doucement. Ces structures sont rares et puissantes. Elles existent pour canaliser et équilibrer les forces élémentaires dans les zones où elles sont instables.
Ryven tendit l’oreille. Les mots de Caelmar, bien qu’informatifs, semblaient porter un avertissement implicite.
— Mais ce cristal central… continua Caelmar, en désignant le fragment fissuré. Il est corrompu. Quelque chose l’a déséquilibré. Sois prudent. Une telle énergie peut être imprévisible.
Ryven inspira profondément et s’avança davantage. Il tendit la main vers le cristal fissuré, hésitant. Une étrange sensation envahit ses doigts avant même qu’il ne touche la surface. L’air semblait vibrer autour de lui, et un murmure faible, presque inaudible, résonnait à la périphérie de son esprit. Puis, dès que ses doigts effleurèrent le cristal, une lumière aveuglante explosa, engloutissant tout.
Ryven fut projeté dans un paysage chaotique, bien loin de la forêt. Il était au centre d’une tempête élémentaire, où les forces de la nature semblaient s’affronter avec une fureur indescriptible. Des torrents d’eau jaillissaient dans les airs, mêlés à des colonnes de feu rugissant. Le vent hurlait en spirales violentes, soulevant des débris de terre qui tourbillonnaient dans une danse destructrice.
Au loin, au cœur de ce cataclysme, se tenait une silhouette colossale. Son corps était composé de pierre craquelée, et des rivières de lave rougeoyante coulaient le long de ses membres massifs. Ses yeux, deux orbes étincelants de puissance pure, fixaient Ryven avec une intensité presque insupportable. Chaque mouvement de la créature semblait provoquer une réaction dans la tempête, comme si elle était le maître de ce chaos élémentaire.
Une voix puissante et imposante résonna, semblant surgir à la fois de la créature et de l’air autour de lui. Elle portait un ton d’autorité indiscutable.
— "Tu n’es pas prêt."
Les mots frappèrent Ryven comme un coup de tonnerre, résonnant jusque dans son noyau.
— "Les éléments te testent, mais ton esprit est encore divisé. Ton cœur hésite entre ce que tu es et ce que tu veux devenir. Ce chemin est fermé pour toi. Reviens lorsque tu seras prêt à les accueillir tous."
La créature leva un bras massif, et la tempête sembla se concentrer autour d’elle. Puis, d’un mouvement brusque, elle balaya l’air devant elle, projetant Ryven hors de la vision.
Ryven ouvrit les yeux brusquement, haletant. Il était de nouveau dans la clairière, son corps tremblant légèrement sous le choc de ce qu’il venait de vivre. Ses mains étaient crispées, et il sentait encore la chaleur résiduelle de l’énergie élémentaire autour de lui.
— Tu vas bien ? demanda Caelmar, qui s’était précipité à ses côtés.
Ryven hocha la tête, bien qu’il ne soit pas certain de la réponse. Ses pensées étaient confuses, mêlant peur et frustration. Il avait échoué à prouver sa valeur, et la voix du gardien résonnait encore dans son esprit.
— Qu’est-ce que j’ai vu ? murmura-t-il. C’était comme si… les éléments eux-mêmes me rejetaient.
Caelmar posa une main ferme sur son épaule, son expression grave mais encourageante.
— Ce n’est pas un rejet, Ryven. C’est un avertissement. Les éléments ne donnent leur force qu’à ceux qui sont prêts à en porter le poids.
Alors que Ryven, encore haletant, tentait de se remettre de la vision imposée par l’autel des éléments, un mouvement imperceptible dans l’air attira l’attention de Caelmar. Sans un mot, le directeur de l’Agence s’éloigna doucement de la structure circulaire. Ses yeux perçants, habitués à déceler les moindres anomalies dans des lieux imprégnés de mana instable, se posèrent sur un objet niché parmi les racines d’un immense arbre, dont le tronc semblait s’étendre à l’infini vers le ciel voilé.
Ce qu’il découvrit fit froncer ses sourcils. À moitié enfoui dans la terre noire, il y avait un artefact étrange. Il avait la forme d’un cocon noir, luisant faiblement dans l’obscurité de la clairière. Chaque pulsation régulière qu’il émettait résonnait dans l’air, comme un battement de cœur malade, irrégulier mais puissant. La lumière sombre qui irradiait de sa surface semblait presque vivante, serpentant autour de lui avant de se dissiper dans le sol.
— Ryven, viens ici, appela Caelmar, son ton grave trahissant une inquiétude qu’il ne tentait même pas de cacher.
Le jeune éveillé, encore légèrement désorienté par ce qu’il avait vu au nexus, se redressa lentement. Un frisson glacial parcourut son échine alors qu’il s’approchait de Caelmar et du cocon. L’air semblait devenir plus lourd à chaque pas, comme si l’objet dégageait une pression invisible, palpable.
Quand il fut assez proche pour le voir distinctement, Ryven sentit son cœur accélérer. Il n’avait jamais rien vu de tel. Ce cocon n’était pas seulement étrange ; il était profondément dérangeant. Ses motifs irréguliers semblaient s’adapter constamment, comme s’ils cherchaient quelque chose. Les pulsations semblaient presque synchronisées avec celles de son propre noyau, ce qui amplifia son malaise.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il d’une voix rauque, incapable de détourner les yeux.
Caelmar, accroupi à côté de l’objet, l’examina avec prudence. Ses doigts s’approchèrent, mais il s’abstint de le toucher directement.
— C’est une extension du portail précédent, murmura-t-il enfin, presque pour lui-même. Je n’ai jamais vu ça auparavant. Deux portails liés, apparaissant au même endroit à quelques jours d’intervalle… Cela dépasse tout ce que nous savons.
Il se redressa et recula légèrement, son expression mêlant prudence et perplexité.
— Quoi que ce soit, il n’est pas normal. Sois vigilant, Ryven. Ce genre d’artefact réagit souvent à ceux qui le touchent… ou qui en sont les cibles.
Ryven, fasciné malgré lui, s’avança davantage. Une partie de lui voulait reculer, fuir cet objet qui semblait murmurer directement à son noyau. Mais une autre part, plus profonde et inexplicable, le poussait à rester. Il tendit la main, hésitant à peine.
Avant que l’un ou l’autre ne puisse faire quoi que ce soit, le cocon s’anima brusquement. Il émit un grondement sourd, semblable à celui d’une bête réveillée d’un long sommeil. Sa lueur sombre devint plus vive, pulsant à un rythme frénétique. L’énergie noire qu’il libérait s’intensifia, remplissant l’air de vagues de mana dense et oppressant.
— Ryven, recule ! cria Caelmar, mais il était déjà trop tard.
Le cocon projeta une lumière noire violente, semblable à une onde de choc qui fit vaciller le sol. Avant que Ryven ne puisse réagir, l’artefact se propulsa vers lui, s’élevant du sol comme attiré irrésistiblement par sa cible. La lumière l’enveloppa complètement, formant un tourbillon sombre et opaque autour de son corps.
— Ryven ! hurla Caelmar, impuissant. Il tenta de s’approcher, mais une barrière invisible, émanant de l’artefact, le repoussa violemment.
Ryven tomba à genoux, agrippant sa poitrine. Une chaleur intense et douloureuse envahit son noyau, se propageant dans tout son corps. Il sentait l’énergie du cocon fusionner avec la sienne, comme si elle cherchait à s’intégrer à lui, à devenir une partie de lui. Ses deux affinités, lumière et ombre, réagirent violemment à cette intrusion. La lumière semblait vouloir repousser cette énergie étrangère, tandis que l’ombre tentait de l’absorber, créant un conflit interne qui le laissait haletant.
Pendant ce qui sembla une éternité, Ryven lutta pour maintenir son équilibre. Des visions brèves et chaotiques apparurent devant ses yeux : des paysages désolés, des silhouettes indistinctes dans les ombres, et, plus troublant encore, une marque sombre qui semblait s’imposer dans son esprit, gravée comme un symbole indélébile.
Finalement, la lumière noire se dissipa soudainement, aussi vite qu’elle était apparue. Ryven s’effondra sur le sol, épuisé mais indemne. Caelmar se précipita vers lui, l’aidant à se redresser.
— Ryven, réponds-moi ! Est-ce que ça va ? demanda-t-il, son ton trahissant une inquiétude sincère.
Ryven leva faiblement une main pour montrer qu’il était conscient. Mais quelque chose avait changé. Une marque sombre ornait désormais le dos de sa main, semblable à une paire d’ailes repliées, gravées dans sa peau comme une cicatrice brûlante. Elle semblait pulser légèrement, émettant une lueur noire presque imperceptible.
— Qu’est-ce que c’est ? murmura-t-il, regardant sa main avec horreur et fascination.
Caelmar, toujours à genoux à ses côtés, observa la marque avec une expression grave.
— Je ne sais pas encore, dit-il honnêtement, ses yeux toujours fixés sur la marque. Mais je suis sûr d’une chose : cette énergie est liée à l’Abysse. Et quoi qu’il en soit, elle te concerne directement.
Ryven sentit une vibration étrange dans son noyau, comme si quelque chose de dormant venait de s’éveiller en lui. Bien qu’il n’éprouvât aucune douleur, il sentait que cette marque portait un poids, un fardeau qu’il ne comprenait pas encore.
Caelmar, réalisant la gravité de la situation, se releva et aida Ryven à se redresser.
— Il est temps de partir, dit-il, sa voix calme mais déterminée. Nous avons appris tout ce que nous pouvions ici. Ce portail est dangereux, et je doute que nous puissions encore y trouver des réponses.
Ryven acquiesça, bien qu’il ne puisse détourner les yeux de sa main marquée. Tandis que Caelmar activait la pierre de retour, Ryven se demanda si cette marque était un avertissement, une bénédiction… ou une malédiction.
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